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LES GRANDES ÉPOQUES CRÉATRICES

La partie de ces premières Sonates, où le plus librement s’exprime l’àme personnelle du jeune Beethoven, est Y Adagio Notre époque musicale l, plus intéressée par la construction que sensible à l’émotion, attache moins de prix aux adagios ou andantes qu’aux premiers allégros des sonates ou symphonies classiques. Il en était autrement, à l’époque de Beethoven ; et le public allemand, au tournant du xvme au xixe siècle, se désaltérait avidement des flots de nostalgie, de Sehnsucht, de tendresse, d’espoir et de mélancolie, qui ruisselaient des adagios de Beethoven, — ainsi qu’au même temps (1795-1796), des Lieder de Wilhelm Meister1 2. Il retrouvait en ce miroir la réponse ou l’écho à l’énigme de l’existence. — Je laisse à décider aux esprits querelleurs, qu’occupe perpétuellement la question de prééminence, lequel des deux points de vue est supérieur à l’autre, de celui de 1800, ou de 1930. J’adopte, quant à moi, l’un et l’autre, tour à tour ; je trouve qu’il n’y en a jamais trop pour embrasser une œuvre d’art ; et celles de Beethoven offrent assez d’aspects variés, pour être examinées de l’un et l’autre côtés. — Pour le moment, je m’en tiens à ces miroirs de l’âme que sont ses Adagios.

Quoiqu’ils soient, au début, imprégnés encore de l’odeur de Mozart, ■— (que Beethoven a chéri, pendant quelques années, qu’il vénéra toujours) — ils sont bien différents 1. Je parle des musiciens de métier, qui sont rarement d’accord,

— maintenant moins que jamais, — avec le grand public. 2. Nagel (dans son ouvrage classique sur les Sonates de Beethoven) fait là-dessus une comparaison des Allemands d’autrefois avec ceux d’aujourd’hui, qui ne cache pas un regret.