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AU PEUPLE QUI SOUFFRE POUR LA JUSTICE

danger qui fait le mieux connaître les individus et les peuples. Combien de découvertes cette guerre nous a fait faire parmi ceux qui nous entourent, qui nous touchent de plus près ! Que de cœurs de héros, et que de bêtes féroces ! L’âme profonde se révèle. Ce n’est pas une âme nouvelle.

En cette heure redoutable, la Belgique a vu surgir le génie caché de sa race. La valeur qu’elle a montrée, dans les trois derniers mois, frappe d’admiration ; elle ne surprend pas celui qui, dans l’histoire, vit couler à travers les siècles la sève de ce peuple, petit par le nombre et l’espace, l’un des plus grands de l’Europe par sa vitalité de fleuve débordant. Les Belges d’aujourd’hui sont fils des Flamands de Courtrai. Les hommes de cette terre n’ont jamais craint d’affronter leurs puissants voisins, rois de France ou d’Espagne, — tour à tour héros et victimes, Artevelde et Egmond. Ce sol qu’a détrempé le sang de millions de combattants est le plus fécond d’Europe, en moissons de l’esprit. C’est de lui qu’est sorti l’art de la peinture moderne, que l’école des van Eyck rayonna sur le monde au temps de la Renaissance. C’est de lui qu’est sorti l’art de la musique moderne, de cette polyphonie qui ruissela sur la France, l’Allemagne et l’Italie, pendant près de deux siècles. C’est de lui qu’est sortie la superbe floraison poétique d’aujourd’hui ; et les deux écrivains qui représentent à présent avec