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INTER ARMA CARITAS

mêlée ; elles n’y ont pas pris part, et rien ne les préparait à ces calamités.

Heureusement, s’est trouvé un homme au grand cœur (il ne me pardonnera pas de le nommer), M. le docteur Ferrière, qui s’émut du malheur de ces parias de la guerre. Avec une ténacité patiente et passionnée, il s’obstina à construire, dans le grand rucher de la Croix-Rouge, une ruche spéciale pour l’aide à ces malheureux ; et sans se décourager des difficultés sans nombre, du peu de chances de succès, il persévéra, d’abord se limitant à dresser les listes des disparus et tâchant de rendre confiance à ceux qui les cherchaient, puis, par tous les moyens, s’efforçant de connaître les lieux d’internement et de rattacher le fil brisé entre les parents, les amis. Quelle joie lorsqu’on peut annoncer à une famille que le fils, que le père, vient d’être retrouvé ! Chacun de nous, à notre table (car on m’a fait l’honneur de m’y accorder place), se réjouit, comme s’il était aussi de la famille. Et le hasard a fait que la première lettre de ce genre que j’aie eue à écrire fût pour prévenir de braves gens de mon petit pays, de ma ville nivernaise.

À présent, un progrès sérieux a été obtenu. Les infortunes les plus pressantes ont fini par être écoutées ; les gouvernements se sont entendus pour libérer les femmes, les enfants au-dessous de dix-sept ans et les hommes au-