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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

cesserai d’estimer). Je sais combien d’intelligences obstinées, intrépides, travaillent sans relâche dans la science allemande à conquérir la vérité. Mais quand on voit, d’une part, ces braves gens, trop confiants, dociles, les yeux fermés, ne connaître des choses et ne vouloir connaître que ce qu’il plaît à leur État de leur faire savoir, — quand on voit, d’autre part, les esprits les plus lucides de l’Allemagne, historiens et savants, qui sont pourtant rompus à la critique de textes, baser leur certitude sur des documents tous provenant d’une seule des parties, et, pour preuve péremptoire, nous renvoyer aux affirmations intéressées de leur empereur et de leur chancelier, comme de sages écoliers qui n’ont d’autre argument que : Magister dixit, — quel espoir reste-il de les convaincre qu’il existe une vérité en dehors du Maître et qu’à côté du Weissbuch nous avons dans les mains toutes sortes de Livres de toutes les couleurs, dont un juge impartial doit écouter les témoignages ? Mais les connaissent-ils seulement, et le Maître laisse-t-il circuler dans sa classe les manuels de ses rivaux ? Ce n’est pas seulement dans les faits mis en cause, c’est dans l’intelligence même que réside le désaccord. Entre l’esprit germanique d’aujourd’hui et celui du reste de l’Europe il n’y a plus de point de contact. On leur parle : « Humanité » ; ils répondent : « Uebermensch », « Uebervolk » ; (et il va de soi que l’Uebervolk est le leur). L’Alle-