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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

concilier dans leur conscience le métier de soldats avec celui de bourreaux. Au contraire, les officiers de nationalité allemande l’exerçaient avec joie.

« Néanmoins, si une domination russe est préférable encore à une domination allemande, elle est encore bien lourde. C’est avec un sentiment double que j’apprends les nouvelles des victoires russes. Je m’en réjouis, car elles sont en même temps des victoires des Alliés. Mais d’autre part, je crains la Russie victorieuse. C’est après les défaites de la guerre russo-japonaise, quand le gouvernement russe était affaibli, qu’il accordait quelques libertés, — presque entièrement reprises à mesure que ses forces revenaient. Qu’avons-nous à attendre du tsarisme victorieux, surtout nous, les non-Russes, sinon un furieux réveil des idées écrasantes du panslavisme ?

« C’est, en ce moment, la question angoissante des nations assujetties à la Russie. J’ai lu dans votre article qu’après le militarisme prussien le tsarisme aurait son tour. Comment devons-nous comprendre ces mots ? Supposez-vous qu’une nouvelle guerre éclatera plus tard pour combattre le tsarisme, ou qu’il tombera sous les coups d’une révolution intérieure ? Ou, peut-être, avant de s’allier à la Russie, la France et l’Angleterre auraient-elles obtenu d’elle des promesses indiquant une nouvelle ère dans la politique intérieure de la Russie ? La proclamation aux Polonais en serait-elle un