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DE DEUX MAUX, LE MOINDRE

Esthes, comme la nation la plus avancée de l’empire russe.

« Les journaux allemands nous reprochent souvent d’être ingrats et de ne pas assez leur savoir gré des bienfaits de la culture qu’ils se vantent d’avoir apportée chez nous. C’est avec un sourire amer que nous écoutons ces revendications, et nous faisons suivre le mot allemand : Kulturträger (porteurs de civilisation) d’un point d’exclamation, parce que les actes des Allemands ont fait de ce terme une dérision. Nous avons acquis notre culture, malgré eux et contre leur volonté. Même aujourd’hui encore, ce sont les représentants des Allemands dans la Douma russe qui s’opposent aux rares intentions du gouvernement d’apporter quelques réformes dans les Provinces Baltiques. Ces provinces sont administrées d’une manière différente (différente dans le pire sens) des autres gouvernements de Russie : nous subissons encore des lois et règlements qu’on ne retrouve plus nulle part en Europe et qui, établis à l’époque féodale, ont été maintenus rigoureusement chez nous, grâce aux efforts des grands propriétaires allemands, qui ont été toujours trop écoutés à la cour impériale de Pétersbourg.

« Autrefois, quand nous ne savions comment concilier nos sympathies et notre admiration pour la pensée et l’art de l’Allemagne avec l’esprit borné, hautain et cruel de ses représentants chez nous, nous avions inventé l’explication que