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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

une seule œuvre sobre et virile, de la trempe de Boris Godunov ; pas un chemin nouveau n’a été ouvert par les maîtres allemands. Il y a plus d’avenir, plus d’originalité vraie dans une page de Moussorgsky ou de Strawinsky que dans toutes les partitions de Mahler, de Reger… Dans nos universités, dans nos hôpitaux, dans nos Instituts Pasteur, nos étudiants, nos savants travaillent fraternellement avec ceux de Russie. Les révolutionnaires russes réfugiés à Paris mêlent leurs aspirations à celles des socialistes.

Vous nous parlez toujours des crimes du tsarisme. Nous les dénonçons aussi. Le tsarisme est notre ennemi. Je l’ai écrit récemment. Je le répète encore. Mais il est également l’ennemi de l’élite intellectuelle de la Russie elle-même. On n’en peut dire autant, Allemands, de la vôtre qui suit servilement les ordres de vos maîtres. — J’ai reçu, ces jours-ci, votre étonnante Adresse aux Nations civilisées, dont l’impérial corps d’armée des intellectuels allemands a bombardé l’Europe, en même temps que le corps d’armée du commerce allemand (Bureau des Deutschen Handelstages) mitraillait le marché du monde de ses circulaires ornées de l’effigie de Mercure, dieu du mensonge. Cette mobilisation des régiments de la plume et du caducée, avec laquelle aucun autre pays ne pourrait certes rivaliser, a, je pense, apporté quelques raisons nouvelles de craindre la puis-