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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

est femme, femme éprise, qui, comme tant de ces braves épouses allemandes, est en adoration devant son seigneur et maître, et se refuse à supposer même qu’il puisse avoir jamais tort.

Il faudra bien pourtant, pour le salut de l’Allemagne, qu’elle en arrive un jour à la pensée du divorce, ou que la femme ait le courage de faire entendre sa voix dans le ménage. Je sais déjà quelques esprits qui commencent à réclamer les droits de l’esprit contre la force. Dans ces derniers temps, maintes voix d’Allemagne sont venues jusqu’à nous, par lettres, protestant contre la guerre et déplorant avec nous les mêmes injustices. (Je ne les nommerai point, pour ne pas les compromettre.) — Il n’y a pas très longtemps, je disais à la Foire sur la Place qui encombrait Paris, qu’elle n’était pas la France, Je le dis aujourd’hui à la Foire allemande : « Vous n’êtes pas la vraie Allemagne. » Il en existe une autre, plus juste et plus humaine, dont l’ambition n’est pas de dominer le monde par la force et la ruse, mais d’absorber pacifiquement tout ce qu’il y a de grand dans les pensées des autres races et d’en rayonner en retour l’harmonie. Celle-là n’est pas en cause. Nous ne sommes pas ses ennemis. Nous sommes les ennemis de ceux qui ont presque réussi à faire oublier au monde qu’elle vivait encore.