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PRO ARIS

écoutez un héros de la conscience française, écrivains qui avez la garde de la concience de l’Allemagne !

« Nos adversaires d’alors, écrit Charles Péguy, parlaient le langage de la raison d’État, du salut temporel du peuple et de la race. Et nous, par un mouvement chrétien profond, par une poussée révolutionnaire et ensemble traditionnelle de christianisme, nous n’allions pas à moins qu’à nous élever à la passion, au souci du salut éternel de ce peuple. Nous ne voulions pas que la France fût constituée en état de péché mortel. »

Ce n’est pas votre souci, penseurs de l’Allemagne. Vous donnez votre sang bravement, pour sauver sa vie mortelle. Mais de sa vie éternelle vous ne vous inquiétez pas… Certes, l’heure est terrible. Votre patrie, comme la nôtre, lutte pour l’existence ; et je comprends et j’admire l’ivresse de sacrifice qui pousse votre jeunesse, comme la nôtre, à lui faire un rempart de son corps contre la mort. « Être ou ne pas être… », dites-vous ? — Non, ce n’est pas assez ! Être la grande Allemagne, être la grande France, dignes de leur passé, et sachant se respecter soi-même et l’une l’autre, même en se combattant : voilà ce que je veux. Je rougirais de la victoire, si ma France l’achetait au prix dont vous payez vos succès sans lendemain. En même temps que les batailles sur les plaines de Belgique et les coteaux crayeux de Champagne se livrent, une autre