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JAURÈS

autres patries[1]. Il se gardait bien, comme tels fanatiques qui se disent libres penseurs, de proscrire ce qui fut, au nom de ce qui sera. Loin de la condamner, il revendiquait la pensée de tous ceux qui avaient lutté, dans les siècles disparus, à quelque parti qu’ils eussent appartenu. — « Nous avons, disait-il, le culte du passé. Ce n’est pas en vain que tous les foyers des générations humaines ont flambé ; mais c’est nous qui marchons, qui luttons pour un idéal nouveau, c’est nous qui sommes les vrais héritiers du foyer des aïeux, nous en avons pris la flamme, vous n’en avez gardé que la cendre. » (Janvier 1909). — Nous saluons, écrivait-il encore dans son Introduction à l’Histoire socialiste de la Révolution, où il tâche, comme il dit, à « réconcilier Plutarque, Michelet et Karl Marx, nous saluons avec un égal respect tous les héros de la volonté. L’histoire (même conçue comme une étude des formes économiques) ne dispensera jamais les hommes de la vaillance et de la noblesse individuelles. Le niveau moral de la société de demain sera marqué par la hauteur morale des consciences d’aujourd’hui. Proposer en exemple tous les combattants héroïques qui, depuis un siècle, ont eu la passion de l’idée et le sublime mépris de la

  1. « La vraie formule du patriotisme, c’est le droit égal de toutes les patries à la liberté et à la justice, c’est le devoir pour tout citoyen d’accroître en sa patrie les forces de liberté et de justice… Misérables patriotes qui, pour aimer et servir un pays, ont besoin de ravaler les autres, les autres grandes forces morales de l’humanité ! » (1905).