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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

bataille, ces voix d’une minorité sacrifiée s’élèvent comme une condamnation vengeresse des oppresseurs. Aux actes d’accusation dressés contre les Empires de proie et contre leur orgueil inhumain, au nom du droit violé, de l’humanité outragée, par les peuples victimes et par les combattants, s’ajoute le cri de douleur des âmes nobles de leur propre peuple que les mauvais bergers, qui ont déchaîné cette guerre, ont conduites et contraintes au meurtre et à la déraison. Sacrifier son corps n’est pas la pire souffrance, mais sacrifier aussi, renier, tuer son âme !… Vous qui mourez du moins pour une cause juste, et qui, gonflés de sève et lourds de foi, tombez, de même qu’un fruit mûr, que votre sort est doux auprès de ce supplice !… — Mais nous ferons en sorte que ces peines ne soient pas perdues. Que la conscience de l’humanité entende et recueille leur plainte ! Elle retentira, dans l’avenir, par-dessus la gloire des batailles ; et, qu’elle le veuille ou non, il faudra bien que l’histoire l’enregistre. L’histoire fera justice des bourreaux de leurs peuples. Et les peuples apprendront à se délivrer de leurs bourreaux.


Journal de Genève, 14 juin 1915.