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AU-DESSUS DE LA MÊLÉE

questions du jour. Mais, quelques différences d’appréciation de fait qui doivent forcément exister entre une revue allemande et nos revues françaises, il faut mettre en lumière l’attitude nettement hostile de ces écrivains à tous les excès du chauvinisme. Les articles de Max Scheler : Europa und der Krieg montrent un louable effort d’impartialité. La revue fait accueil à la loyale Annette Kolb, qui, née d’un père allemand et d’une mère française, souffre cruellement du conflit entre ses deux natures, et vient de soulever une tempête à Dresde pour avoir eu le courage d’affirmer dans une conférence publique sa fidélité aux deux patries et son regret que l’Allemagne méconnaisse la vraie âme française. Dans le numéro de février, sous le titre : Ganz niedrich hængen ! nous lisons une répudiation violente de la Krieg mit dem Maul de la guerre à coups de gueule) :

« Si les journalistes croient par ces insultes à l’ennemi inspirer du courage, ils se trompent… Nous refusons de tels stimulants… Nous osons dire qu’à nos yeux le dernier volontaire ennemi qui, dans un but de patriotisme mal compris mais exalté, tire sur nous, en embuscade, et sait bien ce qu’il risque est de beaucoup supérieur au journaliste qui met habilement à profit le vent du jour et avec de grands mots bruyants d’emphase patriotique ne combat pas l’ennemi, mais crache dessus… »

De tous ces jeunes écrivains qui s’efforcent de défendre leur esprit contre les entraîne-