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INTRODUCTION

septembre 1914, put être publié intégralement (presque intégralement), grâce au zèle malveillant d’un pamphlétaire maladroit, à qui je suis redevable d’avoir pu faire pénétrer, pour la première fois, ma parole dans le public de France.

Un Français ne juge pas l’adversaire sans l’entendre. Qui le fait, c’est lui-même qu’il juge et qu’il condamne : car il prouve qu’il a peur de la lumière. — Je mets sous les yeux de tous, les textes diffamés[1]. Je ne les défendrai pas. Qu’ils se défendent eux-mêmes !

J’ajouterai un seul mot. Je me suis trouvé, depuis un an, bien riche en ennemis. Je tiens à leur dire ceci : ils peuvent me haïr, ils ne parviendront pas à m’apprendre la haine. Je n’ai pas affaire à eux. Ma tâche est de dire ce que je crois juste et humain. Que cela plaise ou que cela irrite, cela ne me regarde plus. Je sais que les paroles dites font d’elles-mêmes leur chemin. Je les sème dans la terre ensanglantée. J’ai confiance. La moisson lèvera.

Septembre 1915.
Romain Rolland.
  1. Je laisse mes articles dans l’ordre chronologique. Je n’y ai rien changé. On y remarquera, dans le trouble des événements, certaines contradictions et des jugements hâtifs que je modifierais aujourd’hui… D’une façon générale, les sentiments ont évolué de l’indignation à la pitié. À mesure que s’étend l’immensité des ruines, on sent la pauvreté des protestations, comme devant un tremblement de terre, « Il y a plus qu’une guerre, m’écrivait le vieux Bodin, le 1er octobre 1914. Ce qui se passe est comme un châtiment qui tombe sur tout le monde. »