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XII

LETTRE À FRÉDÉRIC VAN EEDEN


12 janvier 1915.


Mon cher ami,

Vous m’offrez l’hospitalité de votre journal De Amsterdammer. Je vous remercie et j’accepte. Il fait bon se grouper entre âmes libres qui se défendent contre les passions des nationalismes déchaînés. Dans l’abominable mêlée où les peuples qui se ruent les uns contre les autres déchirent notre Europe, sauvons au moins le drapeau et rassemblons-nous autour. Il s’agit de reformer une opinion publique européenne. C’est la tâche la plus urgente. Parmi ces millions d’hommes qui ne savent être qu’Allemands, Autrichiens, Français, Russes, Anglais, etc., etc., efforçons-nous d’être des hommes, qui, par delà les intérêts égoïstes des nations éphémères, ne perdent pas de vue ceux de la civilisation humaine tout entière, — cette civilisation que chaque race identifie criminellement avec la sienne, pour détruire celle des autres. Je voudrais que votre fier pays[1], qui a su toujours défendre son indépendance politique et morale, entre les blocs énormes des grands États qui

  1. La Hollande.