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dernier voyage. Je ne sais, mais cela m’a affligée comme si c’eût été ma faute et que j’eusse à m’en accuser ; je me suis proposé de vous le faire savoir à la première occasion où j’en aurais la liberté.

Je ne vous dis rien des affaires, c’est un chapitre que je réserve pour la correspondance commune ; nos deux amis sont dans la grande ville, et je suis plongée dans le tracas des vendanges. Les beaux jours que nous avons passés ici n’ont pas été suivis d’autres qui leur ressemblent ; le soir même de votre départ, le temps a changé, et, par une singularité très remarquable dans cette saison, il ne s’est point écoulé vingt-quatre heures dans toute la semaine où le tonnerre ne se soit fait entendre.

Il vient encore de gronder ; j’aime assez la teinte qu’il prête à nos campagnes, elle est auguste et sombre, mais elle serait terrible, qu’elle ne m’en inspirerait pas plus d’effroi. Les phénomènes de la nature, qui font pâlir le vulgaire et présentent même à l’œil du philosophe un aspect imposant, n’offrent à l’être sensible, préoccupé de grands intérêts, que des scènes relatives et toujours inférieures à celles dont son propre cœur est le théâtre.

Adieu, mon ami ; il est presque cruel de vous entretenir lorsque vous ne pouvez me répondre ; mais, s’il y a quelque rigueur à user de cet imparfait avantage, vous me passerez bien celle-là.


Villefranche, 7 octobre au soir 1790[1].

J’arrive de la campagne, notre bon ami, pour passer demain à Lyon et assister, le 9, à l’assemblée des électeurs pour la nomination des juges. J’ai trouvé en arrivant : 1° votre lettre qui m’a fait le plus grand plaisir ; 2° une lettre pour vous, d’une petite écriture, adressée chez moi et contresignée Assemblée nationale[2] ; J’ai effacé mon adresse et j’ai mis Clermont-Ferrand. Si on ne vous la remettait pas en même temps que celle-ci, demandez-le à la poste ; 3° quatre ou cinq feuilles de Brissot, le Courrier de Lyon, trois ou quatre autres lettres ; mais, pressé par l’heure et le renvoi de mon cheval, j’ai expédié le tout à nos amis à la campagne ; je n’ai fait que parcourir les écritures, et je n’ai rien lu des nouvelles imprimées. J’ai mandé au docteur, qui doit me joindre demain à Montfort[3] pour venir avec

  1. De Roland à Bancal. — Lettres à Bancal, p. 75 ; — ms. 9534, fol. 46-47. Écriture de Roland. L’adresse porte : « À Monsieur Henry Bancal, électeur du département du Puy-de-Dôme, à Clermont-Ferrand, en Auvergne.
  2. Cette lettre était député La Métherie. Nous l’avons retrouvée dans la collection de M. Picot, conseiller à la cour d’appel de Riom, marié à une petite fille de Bancal. Elle roule sur les affaires du jour.
  3. Il s’agit évidemment d’une localité toute voisine de Villefranche, puisque Lanthenas était au Clos. Nous présumons que c’était le nom de l’établissement des Braun, à Béligny.