cela même y met le comble. C’est le moment où les écrivains patriotes devraient dénoncer nommément les membres corrompus qui, par leur hypocrisie, leurs manœuvre, trahissent le vœu, compromettent les intérêts de leurs commettants. Ils devraient publier hautement ce que vous nous dites du général. Que fait-on de la liberté de la presse, si l’on n’emploie les remèdes qu’elle offre contre les maux qui nous menacent ? Brissot paraît dormir[1] ; Loustallot[2] est mort, et nous avons pleuré sa perte avec amertume ; Desmoulins aurait sujet de reprendre sa charge de procureur général de la lanterne. Mais où est donc l’énergie du peuple ? Necker[3] est parti sans éclairer l’abîme des finances, et l’on ne se hâte pas de parcourir le dédale qu’il vient d’abandonner ? Pourquoi ne réclamez-vous pas contre la lâcheté de ce comité vendu qui ose défendre les dettes d’Artois… L’orage gronde, les fripons se décèlent, le mauvais parti triomphe et l’on oublie que l’insurrection est le plus sacré des devoirs lorsque le salut de la patrie est en danger ! Ô Parisiens ! que vous ressemblez encore à ce peuple volage qui n’eut que de l’effervescence, qu’on appelait faussement l’enthousiasme ! Lyon est asservi ; les Allemands et les Suisses y règnent par leurs baïonnettes au service d’une municipalité traîtresse, qui s’entend avec les ministres et les mauvais citoyens. Bientôt il n’y aura plus qu’à pleurer sur la liberté, si l’on ne meurt point pour elle. On n’ose plus parler, dites-vous, soit ; c’est tonner qu’il faut faire.
Réunissez-vous avec ce qui punt exister d’honnêtes gens, plaignez-vous, raisonnez, criez, tirez le peuple de sa léthargie, découvrez les dangers qui vont l’accabler, et rendez le courage à ce petit nombre de sages députés qui reprendraient bientôt l’ascendant si la voix publique s’élevait pour les soutenir.
Je ne saurais vous entretenir de notre vie et de nos courses champêtres : la République n’est point heureuse ni assurée, notre félicité en est troublée ; nos amis[4] apostolisent avec un zèle qui serait suivi de succès s’ils pouvaient l’exercer dans le même lieu durant quelque temps.
- ↑ Il y a, à la collection Morrison, une lettre de Roland, sans date, mais de la seconde quinzaine de septembre 1790, puisqu’il y est question de la mort de Loustalot, pleine de récriminations injustes contre Brissot. Le passage a été fortement raturé par Bosc, mais on parvient cependant à le lire.
- ↑ Loustalot, l’honnête et courageux journaliste qui avait succédé à Tournon comme rédacteur des Révolutions de Paris de Prudhomme, etait mort la 11 septembre 1790.
- ↑ Necker avait donné sa démission le 4 septembre et s’était retiré à Genève.
- ↑ Bancal et Lanthenas. — Ce dernier