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À BRISSOT, À PARIS[1].
23 juillet 1790, — [du Clos].

[copie de la lettre écrité de la campagne le 23 juillet 1790, à M. Brissot, à Paris.]

Je vous crois, Monsieur, tellement digne de la vérité par vos principes et votre caractère que je regarde comme un devoir de vous la faire connaître ou de vous mettre sur la voie de la chercher, lorsqu’elle paraît vous être échappée.

Si j’habitais Lyon dans ce moment, je vous dirais précisément jusqu’où s’étend votre erreur. J’avais quitté cette ville avant les troubles qui y sont survenus ; et, sans doute, je ne puis prétendre à vous donner précisément leur histoire, puisque Raleigh lui-même ne sut parvenir à se convaincre de l’exactitude d’un fait passé sous ses yeux ; mais je ne suis qu’à cinq lieues de cette ville, j’en reçois des lettres, je vois des gens qui en arrivent ; je vous dirai ce qui m’est revenu, et vous vous jugerez vous-même.

Vous avez peint le peuple de Lyon[2] comme emporté dans l’insurection la plus violente, ayant incendié des barrières, forcé la main à la municipalité, fait des assemblées tumultueuses, commis des excès qui méritent d’être réprimés par la force, qu’on va réellement employer ; vous avez versé le blâme et le ridicule sur l’assemblée des commis-

  1. Ms. 6241, fol. 10-13, copie. — Cette copie, ainsi que la ligne qui précède, est de la main de Roland. Mais la lettre est écrite au nom de Madame Roland et est certainement d’elle. Elle est signée R. b. P. (Roland née Phlipon).
  2. L’article du Patriote dont Madame Roland entreprend ici la réfutation est du 19 juillet. Il était probablement de Blot, le notable de Lyon dont nous avons déjà parlé, qui avait été envoyé à Paris par la municipalité peut de temps auparavant (comme Roland lui-même y sera envoyé l’année suivante), pour obtenir que la dette communale de Lyon fût nationalisée. – Blot était l’ami d’enfance de Brissot, et Madame Roland redoutait son influence. On a vue que depuis quelque temps Roland et lui, d’abor unis et alliés, se séparaient profondément.