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faire tout pour la voir ; si elle est visible, de verser quelque douceur dans ce cœur trop sensible, en l’entretenant de mon antique et inviolable amitié. Sa dernière lettre avait de tels caractères de démence, que je l’ai pleurée comme perdue et que je n’ai plus su quel ton prendre pour lui écrire. Mais ce pourrait être un accès passager.

Ne négligez rien pour me donner satisfaction sur cet article et me procurer des nouvelles sûres de cette amie de mon jeune âge, de mes années heureuses et de mon temps d’épreuve[1].


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À M. H. BANCAL, [À PARIS[2].]
21 juillet 1790, — [du Clos].

Oh ! combien vous m’avez fait regretter de n’avoir pas été témoin de ces touchantes scènes, de n’avoir pas mêlé mes pleurs… Mais que dis-je ? Vous nous avez fait franchir l’intervalle, oublier la distance ; vous nous avez rendus présents à ces fêtes sublimes et nous avons partagé vos transports. Heureux citoyen ! vous avez servi votre pays dans ses jours de douleurs, vous êtes appelé à ses chants d’allégresse ; arrêtez-vous moins sur le touchant mœrorem et livrez-vous à l’enthousiasme du triumphamus.

Il est un certain chant de l’Iliade qui m’a donné la fièvre la première fois que je l’ai lu ; votre description en a fait autant et m’a tenu lieu d’un repas.

Vous aurez vu, par ma lettre au triumvirat[3], que je n’avais pas attendu vos premières nouvelles pour vous entretenir de votre anniversaire. Puisse ce jour mémorable avoir élevé les Français à leurs hautes destinées, avoir marqué d’opprobre tous les restes de la tyrannie et enflammé tous les cœurs du feu sacré de la liberté, sans laquelle il n’est sur la terre ni vertu, ni bonheur !

Je suis fâchée pour le Roi plus que pour la chose publique des mauvais conseils d’après lesquels il s’est conduit le jour de la Fédération : ces inconvenances obligent les écrivains patriotes à des observations qui éclairent le peuple.

  1. Ces derniers mots font allusion à sa retraite à la Congrégation, de novembre 1779 à janvier 1780.
  2. Lettres à Bancal, p. 11 ; — ms. 9534, fol. 14-16. — Bancal a écrit, en marge : « Rép. le mercredi 28 ».
  3. Cette expression, qui va revenir souvent, désigne Bancal, Bosc et Lanthenas.