Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/928

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai reçu une lettre du brave Pigott. Il faut engager Desissarts à venir nous trouver au Clos où nous serons probablement lorsqu’il viendra ici. Adieu, courage et amitié, tous deux éternels et immuables !


354

À LANTHENAS, [À PARIS[1].]
25 juin 1790, — de Lyon.

Que signifie donc cette farce ridicule que la cour fait jouer maintenant dans nos provinces ? Deux de vos poissardes sont arrivées ici dans les premiers jours de cette semaine, munies d’un passeport de M. Bailly, et s’annonçant pour aller à Turin chercher les Princes, ne voulant pas que Mme  d’Artois accouche en Savoie et devant ramener cette princesse ainsi que votre archevêque, etc… Elles ont été accueillies chez le commandant de notre garde nationale, où elles ont mangé ; elles se sont présentées au Conseil général de la commune, où elles ont chanté, baisé, juré, suivant leur usage ; le lendemain au spectacle, donnant le ton, criant à tout propos : Vivent nos Princes ! et « ftr de ceux qui ne pensent pas comme nous, nous assommerons ces bgres-là ! » Et nos Lyonnais d’applaudir. Représentez-vous les plus dégoûtantes coureuses, sans esprit même de leur genre, soufflant l’eau-de-vie et les jurements, vous n’aurez qu’une faible image de ces rebutantes créatures et de leurs scènes indécentes. Cependant une affiche exprès pour elles a annoncé qu’on ne donnerait ps tel spectacle attendu, mais tel autre, demandé par les dames de Paris, qui, bouffies de liqueur et de grossièreté, y ont joué leur insolente parade dans la loge du commandant. Je vous avoue que le cœur me défaille en voyant la bassesse de nos ci-

  1. Ms. 9533, fol. 99-100, « copié sur l’original », dit une note marginale de M. Faugère. (Dans un coin, au haut, à gauche, il y a : « M. Lths. ». — L’autographe a fait partie du 'fonds Coste, au catalogue duquel il est mentionné sous le n° 6017, 3 pages in-12. Il a passé depuis dans plusieurs ventes.