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[À BOSC, À PARIS[1].]
[6 ou 7 octobre 1789, — de Lyon]

Tout chagrin cesse, toute douleur est suspendue, toute affaire particulière s’éteint[2].

Le despotisme a levé le masque ; la nation a pris son élan : que les gens de bien se rallient et que leur intime union soit l’effroi des méchants !

Du courage et des armes : voilà ce qu’on aperçoit déjà ; mais ce n’est point assez. Il faut une administration réglée, des moyens sûrs, une marche sage et une vigilance éclairée.

  1. Collection Alfred Morrison, 2 folios.
  2. Cette lettre, si curieuse, n’est pas datée. Mais ce début permet déjà de se placer aux premiers jours d’octobre 1789. En effet, le chanoine Bimont, le « cher oncle » de Madame Roland, était mort à Vincennes dans les tout derniers jours de septembre (Tuetey, III, 3177), et c’est Bosc qui en avait informé ses amis, car Roland lui écrit de Lyon le 2 octobre (coll. Morrison) : « Notre âme est triste, mon ami, comme la nouvelle que vous nous donnez. Nous nourrissions le projet de réunir à nous cet oncle qui avait toujours bien aimé sa nièce, et à qui elle le rendait de cœur et d’âme… » — C’est évidemment à cette perte si récente que Madame Roland fait allusion.

    Quant à la ligne suivante, « le despotique a levé le masque… », elle vise, non moins évidemment, les préparatifs de la Cour appelées à Versailles, le banquet donné au régiment de Flandre par les gardes du corps le 1er octobre. Mais Roland, dans une lettre du 2, cependant assez longue, ne dit mot de l’’inquiétude des patriotes ; c’est qu’il ne sait rien encore. « La nouvelle de ce qui s’était passé à Versailles ne parvint à Paris que deux jours après [c’est-à-dire le 3] » (Hist. de la Révol. de 1789 par deux Amis de la Liberté, III, 278), et par conséquent ne put guère parvenir que le 6 à Lyon (où les lettres et les journaux de Paris mettaient alors trois jours pour arriver). — La lettre de Madame Roland, toute vibrante d’angoisse et de colère, et nécessairement postérieure à celle de son mari, est donc au plus tôt du 6 octobre.


    D’autre part, il faut nécessairement la placer avant le 9, jour où les journaux de Paris du 6, annonçant l’expédition du 5, durent lui arriver à Lyon et lui apprendre que les Parisiens avaient exécuté le coup de force qu’elle conseillait. Écrite le 9 ou après le 9, sa lettre n’aurait aucun sens.

    C’est donc entre le 6 et le 8 octobre, au moment même où le peuple venait de ramener à Paris le roi et l’Assemblée, que