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[À BOSC, À PARIS[1].]
2 mars 1788, — de Villefranche.

En arrivant ici hier au soir, j’ai trouvé le fameux arrêt[2] et votre lettre amicale ; j’ai eu le temps de méditer l’un et l’autre jusqu’à ce matin que mon bon ami est venu me joindre ; nous en avons causé philosophiquement, mettant les choses au pis et attendant le résultat dans la paix du sage. L’effet que j’éprouve de tout ce qui ressemble à une injustice envers mon mari, c’est que je l’en aime davantage et désire toujours lui procurer un bonheur auquel personne ne puisse porter atteinte.

Il est clair que cette réforme de noms n’a pas le sens commun, et que Desmarest a concouru à la rédaction de l’arrêt ; s’il n’arrive rien de plus, grand bien lui fasse ! Il fallait qu’il lui revînt quelque chose d’être né dans les terres de Brienne, d’avoir été gouverneur d’un Larochefoucauld et d’avoir intrigué toute sa vie. À juger par les fonctions attribuées à ces nouveaux dénommés, on se propose sans doute quelque réforme ; c’est ce qu’il faut attendre.

Quant au mot que vous me proposez de mettre à la suite de vos points, je ne vois que le respect, à moins que vous n’aimiez mieux l’oubli, car, à mon âge et avec mon honneur, il n’y a d’alternative entre ces choses que l’amitié, et l’on ne met jamais de points à la place de celle-ci. Mais Monsieur le Parisien veut plaisanter de mon silence sur les arrangements économiques et se réserve le même privilège sur ce que je pourrais lui en mander. Devenez digne, par plus de simplicité, d’entendre tout ce que peut exprimer ma bonhomie. Au reste, pour vous parler de la campagne, que j’ai toujours aimée et à laquelle je m’attache encore plus par l’intérêt qu’y prend votre ami et le bien que j’espère qu’elle lui fera, il faut attendre que j’y retourne, ce qui n’arrivera

  1. Publié par le Carnet, n° 15 mai 1899, comme tiré de la collection de Mme  L. de Cernay.
  2. L’arrêt du 10 février 1788 (Isambert, 2443), par lequel Brienne croyait réaliser la réforme de l’inspection des manufactures (voir lettres des 23 mai et 27 novembre 1787), consistait principalement dans la suppression des « inspecteurs généraux des manufactures et du commerce », remplacés par deux Inspecteurs généraux directeurs, l’un du commerce et l’autre des manufactures. Desmarest était l’un des deux, et on a pu voir que Roland ne l’aimait pas.