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[À BOSC, À PARIS[1].]
20 octobre [1787, — du Clos].

Je me rappelle d’un certain billet de confession que vous m’avez expédié : il contient une absolution en bonne forme, et je me sens disposée aujourd’hui à répondre à la grâce : bonjour donc, la paix soit avec nous ! Peut-être y aurais-je répondu plus tôt, si j’avais eu plus de loisir ; affaires d’un côté, soucis de l’autre, compagnie au milieu de tout cela, c’est plus qu’il n’en faut pour remplir les jours et ôter l’envie ou la faculté de faire des causeries d’amitié : d’ailleurs…, mais n’y revenons pas.

Lorsque j’ai eu quelques moments à moi, je les ai employés à la rédaction de mon petit voyage de Suisse[2], à qui je fais, comme vous voyez, plus d’honneur qu’à celui d’Angleterre : je n’ai point encore fini, et je ne sais quand ce le sera. Cependant, malgré les pluies, les orages, la grêle et le froid qui nous assiègent dans nos vendanges et les retardent d’autant, je suis confinée ici pour une bonne partie de l’hiver. Vous autres, gens de la capitale, devriez être bien édifiés de voir une de vos compatriotes se fixer au sein des bois, où l’hiver fait hurler les loups, et dont les montagnes voisines se revêtent déjà de neiges. Mais, suivant vous, qu’importe la retraite qu’on habite, dès qu’on est loin de Paris ? Lyon ou les bois d’Alix[3] sont tout un à vos yeux. Que me direz-vous de bon ? Çà, mandez-moi un peu comment vous gouvernez votre tête ? Pour le cœur, il est bon diable au fond ; et, sans la première qui l’égare quelquefois, il irait assez droit son chemin. Et les sciences et la solitude ? Avez-vous trouvé quelque moyen de concilier ces choses, ou si vous les courtisez tour à tour ? Parmi tant de révolutions qui menacent tant de gens, votre état vous promet-il de

  1. Bosc, IV, 118 ; Dauban, II, 559.
  2. Il n’était pas commencé au début de septembre (voir lettre 278). C’est donc en septembre-octobre qu’il a été écrit en grande partie.

    Quant au Voyage en Angleterre, Madame Roland ne dit pas tout à fait la vérité à Bosc puisque nous avons vu (lettre 227) qu’elle l’avait fait lire au doyen Dessertines.

  3. Alix, village à une lieue au sud du Clos, entouré encore aujourd’hui de grands bois et célèbre alors par son chapitre de chanoinesse (où Mme de Genlis, enfant, avait été quelque temps).