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tive, n’avons-nous donc rien à gagner de nous mêler des affaires ? Tu jugeras combien tout ceci m’afgecte, en voyant que je t’en ai parlé avant de t’apprendre une nouvelle que j’ai reçue en même temps que ta lettre, et qui m’a fait répandre des larmes. Tu en verseras comme moi, tu gémiras sur ce monde où les hommes les plus respectables ne font que passer comme l’ombre fugitive, mais l’idée de leur mort paisible nous rappellera ensemble à la vie simple, aux soins tranquilles, aux affections douces qui la préparent. Mme  Braun est dans le deuil le plus grand et l’affliction la plus profonde ; ce voyage délicieux n’aura servi qu’à la rendre témoin des derniers moments de son tuteur : le respectable Hofer n’est plus !… Pleure… Je ne puis continuer.

Ta lettre lui est arrivée lorsqu’il n’était plus en état de la lire ; on lui en a parlé, il s’est beaucoup occupé de trouver quelqu’un qui pût continuer la correspondance avec toi ; il avait travaillé à ton intention depuis notre départ ; sa triste pupille nous apportera cet ouvrage imparfait, mais cher.

Mme  B[raun] est fort inquiète de son mari, qui lui a écrit quelques lignes dont les caractères ne sont pas aussi bien formés qu’à l’ordinaire ; elle me conjure de lui apprendre ce qui en est, et je vais lui mander la vérité. J’envoie à la ville pour cette lettre et pour la présente ; j’avais envoyé cherchr ton paquet, parce que je voulais savoir quel jour je pourrais t’attendre ; ce n’est pas sans peine que se font ces voyages, mais les domestiques s’y prêtent ; l’un ou l’autre part la nuit et revient pour le travail du jour.

J’ai jeté les yeux sur les extraits de la lettre de Zurich[1]. Je suis fâchée de les avoir vus, car, étant absolument dans mes sentiments et ma façon, de voir, j’aurai l’air, en parlant d’après ceux-ci, d’avoir copié

  1. Les Roland, dans leur rapide voyage en Suisse, avaient vu à Zurich le célèbre pasteur Gaspard Lavater, son frère Diethelm, médecin et naturaliste, et le professeur Jean Gessner et visité les cabinets d’histoire naturelle de ces deux derniers. C’est probablement d’une lettre de l’un d’eux, contenant des renseignements pour le Dictionnaire de l’inspecteur, que Madame Roland parle ici.