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le tact de toute autre chose que la main, oh ! par ma foi… À d’autres ! Ma promenade fut courte. Adieu le projet et l’entreprise, je repliai mon ouvrage et je suis allée ce matin gravir sur les rochers pour la messe de six heures.

Demain j’envoie l’ânesse à la ville, où je lui ferai faire une petite selle pour m’en servir au besoin, et je promets à Mme  Chevandier, si elle veut un jour aller dîner à Villefranche, une partie admirable ; je lui céderai les honneurs du cheval ; pour moi,


Je garderai mon petit animal
Doux au monter, doux au descendre,
Bien plus mignon que Bucéphal,
Digne en tout de son Alexandre.


Tu sais que cette belle amie doit venir me joindre. D’après la perte de ma première lettre, le retard de la sienne et, conséquemment, de ma dernière réponse, je ne l’attends que samedi. J’irai mercredi à Villefranche faire faire un repassage, ranger le linge, parler à ce peintre qui me fait tout par morceaux et traîne de manière à ce que l’appartement garde son odeur tout l’été ; puis je reviens ici, le vendredi au soir, attendre ma compagne, au-devant de laquelle j’enverrai le lendemain.

J’ai reçu de M. Peant une lettre charmante ; je lui en avais écrit une que je qualifierais bien ainsi si ce n’était pas moi qui l’eus faite ; mais il faut être modeste. N’est-ce pas comme cela qu’on s’y prend ?

J’ai reçu la visite de deux vieux cousins des demoiselles de Taverneau[1] : un certain comte de Montbriand[2] » et son frère ; tous ces gens de Dombes ont lu ton voyage et le goûtent ; or vous savez, Monsieur, que la considération que s’attire un homme rejaillit sur ce qui lui

  1. Mlle  Bellet de Tarvernost, les voisines de Cruix. (Voir lettre 242.)

    Elles appartenaient à la famille de Bellet de Tavernost, seigneur de Saint-Trivier et de Cesseins-en-Dombes, famille qui existe encore.

  2. Louis le Viste, comte de Montbriand, grand sénéchal de Dombes. — Sa terre de Montbriand, érigée en comté en 1756, était sur la paroisse de Messimy-en-Dombes, à deux lieues de Villefranche, de l’autre côté de la Saône.