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répondu que ce serait un petit frais de plus à ajouter aux autres, que je n’avais pas le temps de faire cette copie. Effectivement, depuis que tu es parti, je n’ai tenu la plume que pour faire des lettres ; depuis neuf jours, j’ai entièrement quitté le cabinet et n’y suis pas entrée trois fois dans cet intervalle. Je ne suis sortie de la maison qu’hier pour la messe, et j’en revins aussi lasse que si j’eusse fait un voyage. Le Doyen esl venu plusieurs fois et est demeuré assez longtemps chaque fois, ainsi que M. Pezant ; en femmes, Mme  de Lonchamps et Mme  Gillet[1]. Tout le reste des honnêtes gens a fait informer chaque jour et même deux fois par jour ; nos voisins, fort empressés ; le directeur[2], venant très souvent, etc. Je crois que le bon frère aime sa petite nièce ; j’ai surpris deux fois ses yeux devenant gros, rouges et baignés. Si le mieux se soutient, je laisserai ton lit dans ma chambre ; je ne l’aurais fait oter que dans la crainte que tu fusses interrompu. Un lit de camp, une table et quatre chaises feront l’appartement de notre philosophe[3] ; je parie bien que la bonne et franche amitié, avec cela, est tout ce qu’il lui faut, et je suis aussi tranquille sur ce que j’ai à lui offrir que s’il devait descendre au palais d’Alcinoüs.

Je ne pourrais le mettre dans la chambre de Jeanneton, parce que j’y aurai des ouvrières et qu’il ne faut pas le faire réveiller tous les jours à six heures par deux jeunes filles. Notre belle et bonne amie ? Dis-lui… Tu sais tout ce que je pourrais lui dire. J’attends avec empressement ce que tu m’en apprendras de vive voix.

Adieu, mon tendre ami, io ti bacio affettuosissimamente.

    Roland, ms. 6243, fol. 107 v°, une lettre de Roland, du 12 avril 1786, adressée à M. Delandine, directeur de l’Académie de Lyon, où il lui offre ce discours pour l’Académie.

  1. M. Gillet était notaire royal, commissaire-feudiste et archiviste de l’Hôpital (Alm. de Lyon). Il fut guillotiné à Lyon le 5 décembre 1793, avec l’avocat J.-B. Pein, etc…
  2. Probablement M. Paget, directeur des Aides, qui devait être un des locataires des Roland.
  3. Gosse.