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La mère de Pombret[on] a dîné hier avec nous ; elle a montré, à mon frère seulement, la lettre d’adieux de son fils, qui lui dit en substance qu’elle sera sans doute étonnée de son brusque départ, mais que les chagrins et les amertumes dont son cœur est rempli l’obligent à faire ainsi ; il lui demande la continuation de ses bontés pour sa femme et ses enfants, ajoutant que, pour lui, il en a reçu trop de marques pour cesser jamais d’y compter. Le cœur de cette pauvre mère crève de douleur, quoiqu’elle ne sache pas tout. Elle a pourtant raconté l’histoire du feu sous le lit, au frère qui me l’a dite et auquel j’ai ajouté que nous la savions déjà. La belle-fille m’a écrit un billet, ce matin, pour me demander, de la part de son mari, l’adresse de Mlle le La Belouze ; je la lui ai envoyée en lui faisant mes honnêtetés et la chargeant d amitiés pour son mari ; je crois qu’elle aura bien senti et savouré cette diversité de nuances. C’est une petite effrontée, à n’en juger même que par un propos que racontait hier la mère ; celle-ci a ajouté qu’elle désirait (la jeune femme) aller habiter un autre séjour que Villefranche. Que deviendra cette maison ? L’on n’y voit goutte, sinon qu’elle court à grand pas vers sa ruine totale.

J’aime assez cette première jetée, et je crois que cela pourra s’employer.

Je chercherai une occasion pour l’envoi de l’exemplaire ; il faudra bien qu’on en parle : les insectes auront beau faire, ils n’empêcheront pas cela.

Ce que tu me dis de Chevandier m’afflige ; est-il possible que cette femme se périsse ainsi à force d’activité ! Il faudrait pouvoir lui faire avaler de la modération comme on ferait d’une médecine.

Eudora ne va guère mieux ; on la purge demain avec le suc purgatif. Je viens avec elle de l’hôpital, pour une première sortie depuis ton départ. On coule ma lessive aujourd’hui, on range de toutes parts dans le logis, puis les caisses du jardin à sortir, puis le bois ; j’en donne à mon gaillard pour ses ébats.

Adieu, mon cher bon ami ; je t’embrasse de tout mon cœeur.

Cette pauvre Eudora est accablée ; elle se couchait sur les tabou-