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À ALBERT GOSSE, À GENÉVE[1].
15 janvier 1786, — de Villefranche.

Vous êtes si occupé, Monsieur, que vous devez en apprécier mieux comment on peut songer beaucoup à vous en vous écrivant peu. Mais nos travaux, d’une part, et, de l’autre, notre respect pour les vôtres ne sauraient tenir plus longtemps contre l’envie d’avoir de vos nouvelles. Quittez un moment vos méditations savantes, vos utiles recherches, vos expériences lumineuses, et venez nous prouver que le culte de la Gloire ne nuit point à celui de l’Amitié. Ces divinités ne doivent point s’exclure ; elles étaient unies chez les Grecs, et le sont encore, sans doute, pour les honnêtes gens.

Nous avons été sensibles à vos succès académiques[2], et nous vous en félicitons, moins encore pour le tribut d’éloges qui vous en revient, que pour le vrai bonheur d’avoir établi des vérités utiles. Mais ne songez-vous point à venir nous voir et serez-vous tellement fixé par vos occupions successives, que la belle saison ne puisse vous amener de nos côtés ? Je sais qu’elle n’est pas encore prochaine, mais les gens occupés font leurs projets d’avance. Je n’ai pas perdu l’idée d aller visiter votre lac, ses délicieux environs et votre ville, toute corrompue qu’elle devienne ; j’attends que vous nous fassiez auparavant votre visite ; arrangez-vous donc pour venir, cette année, passer quelque temp près de nous à la campagne. Ce n’est point un séjour riant ; il n’est que paisible, et rustique au possible, digne des amateurs de la plus grande simplicité.

M. de Laplatière a reçu avec bien de l’intérêt vos matériaux sur les huiles ; mais il attend encore, et sur ce chapitre s’il y a lieu, et sur la teinture, des lumières dont il fera le plus grand cas.

  1. Ms. 9533, fol. 151-152, copie.
  2. Gosse venait d’obtenir, en novembre 1785, un nouveau prix à l’Académie des sciences. — Voir lettre 58, note 3.