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À vous, docteur[1], qui êtes un drôle de chrétien et un piquant railleur. Ne vous sied-il pas bien, avec votre tête fourrée jusqu’au menton, de plaisanter des Académies ? En vérité, si le désir d’entendre un discours de mon mari vous paraît indiquer ma vocation, que faut-il penser de la vôtre en voyant votre zèle pour les cadets[2] ? De bonne foi, je ne vous aurais jamais cru tant d’acharnement à la vengeance. Mais, puisqu’on ne peut vous guérir, il faut du moins vous servir, et je vous envoie les papiers chéris. Il ne s’est trouvé rien autre avec eux. Je dispenserai tous vos honneurs ; n’oubliez pas les miens auprès de vos deux aimables[3].

Adieu, mes amis. La petite me charge de dire à son papa qu’elle l’aime bien ; elle a hésité d’en dire autant pour le docteur ; puis elle a ajouté aussi d’un air fripon ; elle lit et relit à m’étourdir ; adieu encore.

Jeannin est déjà prévenu.


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[À ROLAND, À LYON[4].]
Mercredi, 10 heures du matin, 23 novembre 1785, — [de Villefranche].

Je ne manque pas de choses à te dire, mais ce qui me presse le plus est de t’embrasser : c’est une pure illusion dont je me repais en

  1. Lanthenas.
  2. Lanthenas, maltraité comme cadet dans ses arrangements de famille (voir lettres des 16 mars, 8 avril et 2 août 1785), et Roland, qui souffrait d’une situation analogue, reviennent souvent, dans leur correspondance, sur l’injustice envers les cadets, c’est-à-dire sur l’inégalité des partages. Dès son retour au Puy, en décembre 1784, Lanthenas s’était mis à écrire sur ce sujet ; il y travaillait encore en octobre 1785 (Lettres à Bosc, inédites de la collection Morrison).

    C’est de là qu’il tira, en août 1789, son livre sur les Inconvénients du droit d’aînesse. Durant les années 1790 et 1791, il ne cessa d’agiter cette question dans la presse et dans les sociétés populaires et fut un de ceux qui contribuèrent le plus à fonder le régime civil sous lequel nous vivons encore. — Voir Appendice L et Lettres à Bancal, 10 janvier 1791 et passim

  3. Sans doute Mme  Chevandier et Mme  de Villers.
  4. Ms. 6239, fol. 141-143.