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nous nous sommes liés de connaissance. Un grand vicaire de Lyon, que nous connaissions d’ailleurs[1], a lu des morceaux d’excellente critique, traduits d’un Allemand. Le secrétaire[2] a débité une épître en jolis vers, adressée à notre ami sur son retour dans sa patrie, accompagné d’une épouse dont le poète a parlé à la manière des poètes. Il est plus que douteux que cela m’ait mis en grande recommandation auprès des femmes ; et, n’osant en rien dire, elles voudraient bien pouvoir critiquer le discours d’un académicien dont la femme a reçu un éloge public. Malheureusement, en renfermant de grandes vérités sur leur compte, il est extrêmement poli et même élégant. Au reste, le secrétaire est un homme grave, distingué par l’agrément de son esprit, et doyen du chapitre.

Parlons maintenant de vos messieurs Ducis et Thomas[3], qui sont à Lyon et s’y prônent l’un l’autre, comme les deux ânes de la fable. Le dernier s’est avisé de faire imprimer des vers à ce Jeannin que vous connaissez, et dont tout le

    protestante de Montauban. Nous lui consacrerons, dans notre Appendics O, une notice plus détaillée.

  1. Thomas de Merle de Castillon, vicaire général de l’archevêque, chanoine et baron de Saint-Just, membre de l’Académie de Villefranche depuis 1773. Singulier vicaire général ! Il avait édité à Lyon, en 1783 (4 vol. in-8o), les œuvres de Charles Bordes, un poète lyonnais peu sévère (Dumas, Histoire de l’Académie de Lyon, t. I, p. 135, 177, 326). Ces « morceaux d’une excellente critique, traduits d’un Allemand » étaient la traduction libre d’un traité (latin) de Mencken, « sur la charlatanerie des savants », lecture que Castillon avait déjà faite le 21 juin précédent à l’Académie de Lyon.

    Né en 1745, dans l’Agénais, c’est-à-dire compatriote de l’archevêque Montazet, Merle de Castillon fut guillotiné à Lyon le 18 février 1794.

  2. Le doyen Châtelain Dessertines. — Voir lettre du 18 mai 1785.
  3. Thomas était arrivé à Lyon en mai 1785, y attendant son ami Ducis, qui était allé à la Grande-Chartreuse. Il apprit que Ducis avait fait, près des Échelles, une horrible chute de voiture ; il partit aussitôt, accompagné de M. Janin de Combe-Blanche, « chirurgien célèbre, dit Thomas, qui m’a prêté une grande berline anglaise où il y avait un lit ». Ducis ramené à Lyon, Janin installa les deux amis chez lui. Le jour de la Saint-Jean (24 juin), fête de Janin, Thomas lui exprima sa reconnaissance dans une épître en vers qu’il communiqua à l’Académie de Lyon le 12 juillet. Il y eut encore, le 2 août, une séance particulière de l’Académie où assistèrent Thomas et Ducis, avec d’autres invités (Dumas, Histoire de l’Académie de Lyon, t. I, p. 147-152). — À la séance publique du 30 août, postérieure à cette lettre, Thomas lut le 7e chant de sa Pétréide et Ducis lut une Épître à l’amitié. (Voir Lyon de 1778 à 1788, par A. Metzger et J. Vaesen, p. 52). Thomas mourut le 17 septembre 1785, à Oullins, près de Lyon, dans la maison de campagne de l’archevêque, M. Malvin de Montazet, qui l’inhuma dans l’église du village, où on voit encore son tombeau.