Lyon, et qui se sont accordés à dire que La Blancherie était d’une fatuité insupportable. Entre nous, cela ne m’a pas trop étonnée, car il me semble qu’il avait quelque disposition de ce genre il y a dix ans ; or un intervalle aussi grand, employé à intriguer dans le monde, a dû la développer merveilleusement.
Venons maintenant à notre séance académique, qui a été bien remplie et très agréable, au jugement de tout le monde ; je vous cite celui-là, parce que le mien pourrait vous être suspect à deux égards. Premièrement, mon bon ami a lu un discours fort applaudi, sur l’Influence de la culture des lettres dans les provinces, comparée à leur influence dans la capitale ; il y avait beaucoup de choses sur les femmes, dont plusieurs se sont mouchées, et peut-être m’arracheraient les yeux si elles imaginaient que j’y eusse quelque part.
Le directeur[1] ! nous entretint des découvertes du siècle ; un étranger nous présenta fort agréablement l’opinion que les plantes ne sont pas dénuées de sentiment ; il l’étaya de faits intéressants. Cet auteur est un Suisse, fixé à Lyon, ministre protestant, arrivant d’Angleterre, où il a été réeçu docteur à Oxford, et nouvellement marié à une petite femme de dix-huit ans qui est de Sedan, et qu’il nous a amenée[2]. Nous les avons retenus le jour d’après la séance, et
- ↑ « Le R.P. Gomès, du tiers ordre de Saint-François » (Almanach de Lyon, 1785).
- ↑ Ce ministre protestant, que verrons souvent reparaître dans la Correspondance, était Benjamin-Sigismond Frossard, né à Nyon (pays de Vaud) le 23 août 1754, mort à Montauban le 3 janvier 1830. Il était, depuis 1777, pasteur à Lyon, ou plus exactement aux Charpennes, dans la banlieue, le culte calviniste n’étant pas autorisé intra muros ; mais il résidait dans la ville, au quai Saint-Clair ; c’est là que Brissot le vit en 1782 (Mémoire de Brissot, t. II, p. 114 et suiv.). Marié à Sedan, en 1785, avec Marie-Anne-Amélie Drouin, il se fit à Lyon une situation considérable par son activité et ses écrits. Lié avec Blot, l’ami de Brissot, en relations avec tous les hommes qui, à Lyon, s’occupaient des questions économiques et sociales, membre de diverses académies ou sociétés savantes, secrétaire de la Société d’agriculture de Lyon pour la correspondance étrangère, c’est lui qui, en 1789, conduisit Arthur Young chez Roland (Voyage en France d’Arthur Young, t. II, p. 97, édition de 1793). On verra plus loin qu’Eudora Roland fut quelque temps en pension chez lui vers cette époque.
Il prit une part active au mouvement de la Révolution, d’abord à Lyon avec les amis de Roland, puis à Clermont-Ferrand, où il retrouva un autre ami des Roland, Bancal des Issarts, et à Paris, où Roland, le 20 décembre 1792, le faisait nommer commissaire national en Belgique. Après bien des épreuves, il devint, le 15 septembre 1809, le premier doyen de la Faculté de théologie
mie de Lyon, le 14 juin précédent. On voit ici que Madame Roland, comme toujours, avait collaboré à l’œuvre.