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de son état ; renseignements à prendre pour la suite du travail encyclopédique. Il demeurerait trois mois ici, qu’il y serait toujours occupé ; j’y resterais autant sans m’ennuyer. J’ai pris un maître de forte-piano et je travaille tous les matins, un peu seulement, car les sorties, dîners, etc., s’emparent d’une grande partie des jours. J’ai rencontré, l’autre jour, M. de Jussieu, le jeune[1], chez sa sœur que j’allais voir, et dont le mari a un fort beau cabinet d’histoire naturelle.

Eudora m’a donné hier un peu d’inquiétude : elle m’a paru prendre un petit accès de fièvre ; elle est assez bien ce matin.

Nous recevrons votre voyageur de Perse[2] avec un double intérêt. N’eût-il que la recommandation d’avoir vu du pays, nous l’accueillerions : que sera-ce donc comme votre ami !

Écrivez-nous plus longuement. J’avais mille choses à vous dire sur la dernière résolution qui vous laisse à nos vœux ; mais ce sont précisément sur les choses dont le cœur est le plus plein que l’on garde le silence, quand on n’a pas le temps de tout exprimer.

Au reste, si vous n’en deviniez pas la plus grande partie, vous ne seriez pas digne qu’on vous l’expliquât. Croyez que, de tous ceux à qui vous êtes chers, il n’en est point qui sente mieux que nous le bonheur de vous conserver à l’abri de ces grands hasards qu’on n’aime point à voir courir à ceux auxquels on a attaché en quelque sorte son existence.

Adieu, mon ami ; nous vous embrassons avec toute la franchise et tout l’abandon de cette tendre amitié que nous vous avons vouée pour la vie.

    ciété, car il ne fut reçu du bureau général, c’est-à-dire élu membre titulaire, que le 18 novembre suivant. — Voir Appendice H.

  1. Antoine-Laurent de Jussieu, le plus célèbre de la famille, qu’on appelait le jeune par rapport à son oncle Bernard de Jussieu. — On sait que Madame Roland, en 1780, avait suivi sont cours au Jardin du Roi.
  2. La naturaliste et voyageur André Michaux (1746-1802), qui revenait de Perse. Arrivé à Paris en juin 1785 (Biogr. Rabbe), il en repartit presque aussitôt (septembre) pour aller passer onze années au États-Unis. C’est avec l’espoir de l’y retrouver, dans la Caroline, à Charleston, où il avait créé un grand jardin d’histoire naturelle, que Bosc s’embarquera en 1796. — Voir Appendice K.