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le faire expectorer ; il se sent empâté, mal à l’aise. Jouissez d’une meilleure santé : adieu ; nous vous embrassons bien cordialement. Dites mille choses affectueuses à M. Parault.

Il n’est pas vrai qu’on donne à Eudora le projet de ne plus vous aimer dans douze ans, mais seulement de ne plus le dire si haut et de vous le laisser à deviner.


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[À BOSC, À PARIS[1].]
18 avril 1785, — [de Villefranche].

Quelle semaine je viens de passer ! Eudora n’a eu ni rougeole, ni petite vérole, quoique l’une soit dans notre maison et l’autre dans la ville ; mais elle a eu une fièvre terrible, on lui a donné de l’émétique, et elle est aujourd’hui à sa troisième médecine. Cet enfant, que l’abondance des humeurs fait boire étonnamment, n’a jamais voulu rien avaler le jour de l’émétique que la drogue même, qu’elle avait d’abord prise de bonne grâce ; il s’est consumé en vains et cruels efforts qui me dechiraient les entrailles. Ce n’est plus cette Eudora, vive, gaie, florissante, annonçant les ris, la force et la santé ; elle est pâle, abattue, de mauvaise humeur, criant souvent, portant à tout un air de contrariété et faisant joindre le besoin d’être réprimée à celui de mille soins divers. Je suis triste et fatiguée ; je ne sais encore s’il n’y aura pas d’autres suites.

Le papa vient d’être aussi purgé suivant l’ordonnance de celui que nous pleurons tous, ordonnance dont nous allons reprendre et suivre les détails ce printemps. Il est parti ce matin pour le Clos, où il va passer huit jours. Je reçois la vôtre du quinze ; j’en devrais dire beaucoup à votre amitié, la mienne n’est pas en reste pour le sentiment ; mais je n’ai guère de courage que pour soigner mon enfant. J’espère vous écrire plus longuement par le prochain courrier. Adieu, mon ami, je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Collection Alfred Morrison, 1 fol.