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jouir, et je mets tous mes soins à obtenir ; je savoure l’espérance de recueillir toujours le témoignage d’avoir mérité ce que j’exprimais à M. d’Ornay :


Heureuse la mère attendrie
Qui peut dire avant d’exiper :
« J’ai fait plus que donner la vie,
Mes soins ont appris à l’aimer. »


Mon beau-frère, d’une trempe extrêmement douce et sensible, est aussi fort religieux ; je lui laisse la satisfaction de penser que ses dogmes me paraissent aussi évidents qu’ils le lui semblent, et j’agis extérieurement comme il convient en province à une mère de famille, qui doit édifier tout le monde. Comme j’ai été fort dévote dans ma première adolescence, je sais mon Écriture et même mon office divin aussi bien que mes philosophes, et je fais plus volontiers usage de ma première érudition, qui l’édifie singulièrement. La vérité, le penchant de mon cœur, ma facilité à me plier à ce qui est bon aux autres, sans nuire ni offenser rien de ce qui est honnête, me fait être ce que je dois tout naturellement, sans le moindre travail. Gardez in petto cette effusion de confiance, et ne me répondez là-dessus qu’aussi vaguement qu’il convient ; je suis seule encore ; mon bon ami est à Lyon, d’où il ne retiendra qu’après Pâques : il me mande que ses yeux vont mieux, j’en ai eu une nouvelle assurance par son domestique, qui est venu faire ici quelques commissions et qui est retourné près de lui. Jugez par ce babillage d’amitié si je crois à la vôtre, à qui je laisse à apprécier ce témoignage de la mienne.

Je voulais vous entretenir de l’Académie, de Beaumarchais, de cette attachante chimie qui vous occupe ; mats j’ai pris le temps de vous écrire sur celui qui précède le dîner, après mes affaires du matin ; je n’ai que dix minutes pour ma toilette, c’est précisément ce qu’il me faut pour l’ordinaire. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Causez-moi de ces nouvelles académiques, scientifiques, etc., et surtout de ce qui vous intéresse. Adieu encore.