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que vous reviendriez. Gloire au ciel et paix sur la terre, s’il est vrai que je n’aie plus à agir suivant cette résolution que je ne faisais que de prendre ! Avez-vous bien reçu toutes les lettres que je vous avais écrites ? Une très ancienne qui en renfermait une autre pour la chère sœur ? Une plus récente avec une petite à l’adresse de mon père ?

Je vous envoie cette fois des papiers pour M. Le Monnier, peintre, au « Petit Saint-Antoine », rue du Roi-de-Sicile. J’ai pensé que, si vous n’étiez pas empressé de faire connaissance avec un homme auquel nous sommes liés d’amitié, du moins vous verriez avec plaisir un artiste estimable, de mœurs douces et aimables, nouvellement revenu d’Italie, où il s’est arrêté longtemps. Mais pourquoi vous exprimer un doute triste et fugitif, sans vous avouer le sentiment qui le corrige ? Oui, je crois encore qu’une personne qui vient de nous voir depuis peu, et avec laquelle nous sommes en liaison, par cela même n’est pas pour vous sans intérêt.]

Je lui dis qu’il pourra quelquefois vous remettre ses lettres pour nous. Si je suis indiscrète de quelque manière, dites-le-moi sans façon.

J’ai reçu la lettre de M. d’Eu, auquel je ne suis pas peu embarrassée d’envoyer les Arts prohibés de Neufchâtel. Il y a un peu de temps que je n’ai eu de nouvelles du bon Lanthenas. Je ne puis m’empêcher de souhaiter que l’heure de son père arrive avant qu’il s’éloigné[1]. Mon bon ami est à Lyon ; j’attends de ses nouvelles.

[Eudora croît en force, bien mieux qu’en science et sagesse ; elle est très vive et très dissipée, quoique élevée très seule : c’est un vrai lutin dont le robuste physique aura besoin d’un excellent moral ; elle a toute l’intelligence qu’on peut avoir à cet âge, s’accommodant de tout, même de pain sec en punition], quoiqu’elle soit fort gourmande, et riant parfois de la prison lorsqu’une bonne opiniâtreté la lui a value.

[Beaumarchais, à Saint-Lazare, à l’air d’une antithèse bouffonne : on le punit en écolier, il se vengera en renard[2].

  1. Lanthenas avait encore au Puy son père et sa mère. Sa mère ne mourut que le 31 août 1786, et son père le 24 août 1787.
  2. Beaumarchais, pour avoir riposté vi-