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monde n’en convient pas, et je ne sais qu’en penser. C’est un homme sûr ; mais je ne puis, moi, être sûre de tout ce qu’il est d’ailleurs. Comme il a occasion d’aller demain à Lyon, je pourrai le charger d’un mot pour qu’il te voie et que tu l’examines. J’ai trouvé dans le paquet de l’ami Lanthenas une lettre pour faire passer à M. d’Antic. J’y ai joint quelques lignes et je l’expédie.

Que fais-tu, mon cher et bon ami, j’ai bien faim de tes nouvelles. Addio, carissimo amico ; la tua piccola è una furbetta ; ieri, giocando, mi mettava la sua mano nel mio seno e diceva col suo sorriso : « Papa faceva cosi, l’altro giorno, al gabinetto. » Vedi, barone, si ti rassomiglia.


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[À BOSC, À PARIS[1].]
1er décembre 1784, — [de Villefranche.]

Puis-je encore, mon ami[2], vous donner ce doux nom, ou doit-il être banni d’entre nous ? J’ai besoin ou, pour mieux dire, ma moitié, dont la santé chancelante m’afflige, et moi, nous avons besoin d’une explication, ou enfin la continuation de votre silence nous en tiendra lieu. Je sens, d’après votre conduite à notre égard, que le résultat en peut être amer ; mais nous ne pouvons cesser d’être étonnés, et cette incertitude nous déchire. Nous étions malades, et encore nous ne nous portons pas bien ; nous avions placé notre confiance ; tout nous y invitait ; la mort nous a privés du bien le plus précieux, puisque le sentiment tout entier y était joint ; nos maux ne continuaient pas seulement, ils étaient augmentés. L’amitié les avait soulagés, l’amitié, l’ami Lanthenas nous procura M. Le Roi[3] ; nous ne le connaissions point ; jamais je n’avais entendu dire, ni soupçonné qu’il y eût le moindre nuage entre vous ; et vous nous faites un crime, vous nous rayez de votre cœur pour avoir cherché du soulagement à nos maux et pour nous être adressés à un homme que notre ami et le vôtre nous a procuré. Mon ami, je n’ai point d’ennemis, du moins

  1. Collection Alfred Morrison, 2 folios.
  2. Tout le commencement de cette lettre est de Roland.
  3. Un main, certainement celle de Bosc, a biffé, sur l’autographe, les deux dernières lettres du nom.