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mais il sera chez sa sœur à Monastier[1]. Adieu pour ce soir, mon cher et tendre ami ; j’ajouterai demain des nouvelles de notre cher petit enfant ; je t’embrasse di tutto il mioo cuore.


Le mercredi, 24, au soir.

Eudora a passablement dormi quoiqu’elle ait toussé plusieurs fois ; je lui ai trouvé de la fièvre ce matin ; j’ai envoyé chercher le médecin Bussy[2] : il n’a trouvé aucun symptôme fâcheux et n’a ordonné qu’une tisane béchique, un peu différente de celle que j’avais imaginée, parce qu’il ne faut pas qu’un médecin dise comme un autre ; quant au régime, il ne m’a rien prescrit de neuf, ni que je n’entende aussi bien que lui. Quelle pauvre espèce ! Et c’est le plus estimé des docteurs de Villefranche ! L’enfant est gai, mais pâle et un peu jaune ; il boit tout ce qu’on veut, ne demande guère à manger et n’a pris aujourd’hui, en sus de sa boisson, qu’un peu de bouillon avec une petite croûte de pain. J’espère qu’il n’y aura rien de sérieux. Je reprends de mes sels, ils me donnent de l’appétit.

Il vient de se présenter un domestique[3] d’une quarantaine d’années, qui a demeuré onze ans chez Mme de Longchamps[4], de chez laquelle il sort, parce que, dit-on, la jeune femme qui prend le ménage nouvellement ne s’en accommode pas. On dit du bien de ce sujet ; sa maîtresse le garde jusqu’à ce qu’il trouve une bonne maison ; il ne sait pas coiffer ; il dit qu’il pourrait s’y remettre, parce qu’il l’a su avant d’être chez Mme de Longchamps. Mme de l’Et[ang][5] prétend qu’il lui arrive quelquefois, non souvent mais quelque fois, de se griser ; tout le

  1. Le Monestier, gros bourg du Velay, dans les Cévennes, aujourd’hui chef-lieu de canton ; à 18 kilomètre du Puy.
  2. Médecin de l’hôpital général de Villefranche (Alm. de Lyon, 1784).
  3. C’est Saint-Claude, dont il sera plusieurs fois question dans la suite.
  4. Famille des environs de Villefranche, paroisse de Cleizé, qui existe encore. Nous verrons Mme de Longchamps fort liée avec Madame Roland (lettre du 17 avril 1786). Leur maison, à la ville, était presque en face de celle des Roland. C’est celle qui porte aujourd’hui le numéro 174 (Grande-Rue).
  5. Maurice Ducret de l’Étang était lieutenant civil et criminel en l’Élection de Villefranche (Alm. de Lyon, 1784).