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doit se faire coiffer à présent et nous devons partir pour Versailles à huit heures. Je vais l’accompagner dans tous les bureaux et les antichambres où elle a affaire ; elle entend à merveille la marche d’une solliciteuse distinguée. Je voyais l’autre jour M. Faucon et M. Noël sourire d’une manière toute drôle à la vivacité de ses instances, la tournure qu’elle leur donnait et les réponses subtiles qu’elle faisait aux obstacles qu’on lui présentait. À propos de M… [le feuillet suivant manque]


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[À ROLAND, À AMIENS[1].]
Dimanche au soir, 23 mai 1784, — [de Paris].

Combien j’avais besoin de voir, d’être convaincue de nouveau que ce changement était selon ton cœur ! J’avais présentes toutes les excellentes raisons qui me le faisaient juger avantageux ; mais je ne sais quelle crainte vague de te livrer à d’autres occupations, d’éloigner le repos dont je veux te voir jouir, changeait ma joie en inquiétude douloureuse. Tes désirs concouraient donc avec les miens[2] ! Nous recueillerons ensemble les douceurs que nous pouvons nous promettre de cette nouvelle situation ; tu modéreras tes travaux et tu assureras ainsi la paix de mon âme. Je te dirai qu’aujourd’hui, à mon grand regret, il m’a été impossible de faire le voyage de Versailles ; fatigue, coliques, révolution causée par ces affections, ce combat, auxquels je ne pouvais me soustraire, m’ont obligée de garder la chambre et le lit. Je m’étais levée à cinq heures et demie, fait coiffer malgré quelques légères atteintes ; il a fallu demeurer. Il est six heures du soir, je viens de me lever, de manger un peu de pain et de confiture ; je suis calme et ta

  1. Ms. 6239, fol. 120-121.
  2. Roland avait écrit, le 22 mai 1784 (ms. 6240, fol. 250-251) :

    « En réponse à ta lettre d’hier et à celle d’aujourd’hui sur l’affaire de notre translation à Lyon, je te le dis franchement, j’aimerais mieux qu’elle eût lieu que toutes les ambulances imaginables. Ainsi, vois si tu dois craindre d’agir et d’agir fortement pour son succès. Ce changement et les Lettres sont tout ce que nous pourrions désirer de mieux… »