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[Blondel] y trouvait bien quelque difficulté, car c’était avancer le contrôleur général ; mais cependant il s’y est bien porté ; je vous avais promis d’y concourir, je l’ai fait de tout mon cœur et je ne promets rien que je ne veuille bien tenir. » Tu juges qu’il n’a pas fait cette tirade sans être interrompu par tout ce que j’avais à lui dire et à lui témoigner ; j’ai ajouté que, laissant à Mme d’Arb[ouville] les soins à prendre pour suivre cette affaire, je retournerais te rejoindre et que tu te disposerais à ta tournée ; que même, si M. Bld. [Blondel] ne le trouvait pas mauvais, tu irais à Boulogne et dans le Calaisis pour visiter des établissements de moutons. « Comment ! J’ai besoin qu’il y aille, qu’il y prenne des instructions pour moi. Il a fait un mémoire sur les moutons, on sait cela ; mais ce sont des faits, des détails particuliers qu’il me faut. Je veux faire par là, sur ces côtes, un établissement de vingt mille moutons (je ne sais s’il ne m’a pas dit quarante mille) ; il est question de savoir et de m’exposer d’une manière claire où et comment on peut faire pareil établissement, le terrain, l’emplacement, toutes les circonstances locales, les choses à prévoir, à exécuter, à attendre : le tout dans le plus grand détail, de manière qu’on puisse procéder sûrement d’après les renseignements que votre mari donnera. Vous lui direz cela, Madame. Mais, parlez-moi franchement, a-t-il toujours l’idée d’aller à l’Amérique ? Il n’est plus assez jeune pour cela. » J’ai protesté de mon étonnement, et en vérité il était grand, qu’il se fût persuadé qu’on lui eût avancé une chose aussi fausse. À peine m’a-t-il écouté ; il continuait ses observations sur la folie d’une telle entreprise, ajoutant : « Ce n’est plus comme Intendant du commerce que je vous parle, mais d’après l’intérêt que vous m’inspirez. » Je lui ai répondu tout ce que tu peux croire ; je ne sais si je l’ai dissuadé que, du moins, tu y eusses pensé. C’est une chose étrange ! Enfin nous nous sommes quittés. « Vous n’avez pas perdu à ce voyage, Madame ; nous avons tous rendu justice à votre honnêteté, à votre intelligence, et je suis bien aise d’avoir eu cette occasion de vous connaître. » J’ai reconnu son indulgence et je me suis dit (sic) fort sensible à ces témoignages de bienveillance. « Ce n’est point indulgence. Ma-