Page:Roland Manon - Lettres (1780-1793).djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et cette grâce le déterminerait à embrasser plus tôt une retraite quelle rendrait plus honorable et plus douce. » Il a observé, comme tous les autres, quelle tirerait à conséquence pour les inspecteurs, qui ne manqueraient pas de s’en prévaloir pour solliciter la même chose. À quoi j’ai répondu par les motifs qui font ici une exception. Sur mon exposé de la famille, il observait qu’il serait mieux de demander un renouvellement ; qu’on obtenait pour cela des arrêts du Conseil. Chacun a son avis : le chevalier m’avait dit que les Lettres étaient bien difficiles, qu’il serait plus sage de demander le cordon[1] qu’on accordait plus aisément et auquel les Lettres ne se refusaient jamais. Définitivement, M. de Vin m’a dit qu’il était très nouveau, qu’il ne pouvait que se joindre à ses confrères et qu’il le ferait avec plaisir en ta faveur. C’est un personnage de trente-six à quarante ans, assez grand et dégagé, petite tête (je parle du volume), visage bourgeonné, perruque naissante, qui a un peu l’air d’un ancien marchand devenu seigneur, et qui ne me plaît guère. Mais, comme assez peu de gens ont cet honneur, il est possible qu’il ait du mérite malgré cela et que je n’aie pas eu le temps de le saisir. Je vais ce matin voir le brave M. Valioud pour savoir ce qui s’est dit au Comité, puis je partirai pour Versailles conférer avec Mme d’Arbouville, accrocher des recommandations, s’il y a lieu, et faire le possible. Valioud s’est montré avec une chaleur qu’on n’attendrait pas de sa physionomie glacée ; il est pénétré pour toi d’une haute estime, et cela ne fait point du tout mal près du Tolz. [Tolozan]. Croirais-tu que celui-ci, qui m’a tant criée, m’inspirerait assez de confiance, plus que les autres qui m’ont fait bonne mine, et qui ont l’air de ne pas tout dire ? Dans sa brusquerie, il a de la franchise

  1. Roland répond à sa femme le 25 avril (ms. 6240, fol. 209-210) : « Tu sais que mon idée était bien de demander des lettres de renouvellement de noblesse, et, en tant que de besoin, d’anoblissement… » Puis, sur la question du cordon : « … Il s’en faut que je me soucie du Cord. n. [cordon noir, cordon de Saint-Michel] ; cependant s’il y avait que ce moyen, en ne le portant jamais, il vaudrait mieux obtenir par là que de ne rien obtenir… » — Le nombre des chevaliers de l’ordre de Saint-Michel était alors de 85 (Alm. royal de 1784, p. 200-204), parmi lesquels Cliquot de Bervache, un des inspecteurs généraux des manufactures.