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devant ces éléphants furieux, il fallait mettre un mouton : les voilà apaisés. Résultat pour notre objet, car ils m en ont entretenu très sagement, raisonnant sur les choses, les difficultés, les circonstances, etc. : en soi, cela est fort difficile, d’après l’opinion que M. de Malesherbes a fait prendre au Roi ; c’est qu’il ne saurait être trop réservé sur ce genre de grâces qui diminue aux dépens du général le nombre des contribuables aux charges publiques pour des générations qui vont toujours croissant ; d’ailleurs, vouloir que M. de Calonne demande la chose, c’est à quoi l’usage, les formes reçues, etc., tout enfin, est contraire : il faut que M. de Vergennes renvoie l’affaire au contrôleur général en lui écrivant pour savoir son avis ; celui-ci demandera le leur aux Intendants du commerce. Voilà la marche invariable. Cela sera donc à voir avec Mme d’Arbouville.

M. B. [ Blondel] a été fort raisonnable, peu s’en faut que je ne l’aime. Nous avons causé d’administration ; il m’a dit que, depuis plusieurs années, l’administration ballottait sans avoir un système fixe ; qu’il fallait bien, en tout, se plier aux circonstances ; qu’il penchait vers la liberté, mais qu’il devait aussi ne pas choquer le ministre ; que souvent il ne te répondait pas, que tu pu vais juger qu’il était retenu par quelques ménagements, mais que ta marche était assez tracée pour que tu n’eusses pas d’incertitude. Je lui ai exposé les fonctions concurrentes du préposé d’Abbeville, des gardes jurés, etc. ; il m’a répondu par le fait de l’inspecteur du Dauphiné, qui a été en avant en occasion à peu près semblable ; le Parlement a voulu intervenir, donner un arrêt, condamner l’inspecteur à une amende ; le Conseil casse tout ce que fait le Parlement, soutient son homme et le soutiendra en cassant le nez au Parlement, etc. Il m’a observé que ta sensibilité te rendait ombrageux, te faisait supposer l’idée qu’on voulût te nuire ; que, trop porté à l’enthousiasme, tu jugeais moins sainement certaines choses et que tu mettais de l’importance à des riens qu’il serait sage de ne pas relever ; que tu n’avais pas besoin d’instruire les autres des détails de son département qui ne les regardait pas ; que tu dois diviser tes procès-verbaux de tournée de manière que l’un eût ses toileries, l’autre sa bon-