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prends garde à ta correspondance, que tu y mettes plus de douceur, ou que tu me la laisses faire, si tu veux, seulement six mois, qu’au bout de ce temps il vaque une inspection générale, je viens ici et je veux l’avoir. Mais, sur toute chose, comme je te le disais avant mon départ, ne te fâche pas dans tes lettres, ou fais-les moi voir avant de les expédier, car il ne faut plus les piquer. Ta fierté est assez connue, montre-leur de la bonhomie.

Je suis venue de là chez M. de Mt [Montaran], dont c’était le jour d’audience. Sa douceur, ce fond d’honnêteté que tu lui connais se renforcent devant une femme qu’il craindrait de mortifier. Le moment de l’humeur était passé ; on voyait qu’il avait quelque chose sur le cœur, mais qu’il aurait souffert de me le témoigner. J’ai été ensuite voir M. Valioud à qui j’avais écrit hier assez longuement, en lui communiquant nos mémoires et lui envoyant un précis que j’avais fait d’après les idées de M. Tlz. [Tolozan]. Il m’a dît que celui-ci avait été enchanté de ce précis, de ma prestesse à saisir ses idées ; qu’il avait frappé du pied en disant que j’avais de l’esprit comme un lutin, et qu’il était merveilleusement disposé. Vendredi, ces Messieurs doivent causer au Comité, entre eux, de notre affaire ; j’aurai vu d’ici là M. de Vin ; je saurai samedi s’ils ne démentent point dans leur particulier ce qu’ils m’ont dit en face, et aussitôt après je pars pour Versailles. Mlle  de la B. [Belouze], que j’ai vue aussi, croit comme toujours que l’obtention des Lettres est une chimère ; mais elle pense qu’il est bon de suivre l’affaire, ne fût-ce que pour mettre les intendants dans le cas de rendre ce bon témoignage qu’ils promettent et dont tu pourras te prévaloir en temps et lieu. Au reste, en parlant de la retraite à laquelle tu songerais bientôt, j’ai eu réponse de M. de Mt [Montaran] que tu étais fait pour être bien traité et que tu pouvais y compter.

Mon bon ami, tous ces gens ne sont point si diables ; ils étaient aheurtés et la sécheresse de ton style a fait tout le mal en leur donnant à croire que tu étais d’un caractère terrible et que tu avais des prétentions intolérables ; je t’assure qu’on peut les manier ; mais,