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selles[1] s’est chargé de ma lettre ; il verra aussi M. Faucon pour cet intrigant que je tâcherai de gagner[2].

La brochure que tu me demandes te sera expédiée incessamment par les bureaux. Je suis toujours toute préoccupée de nos bons amis ; l’état de l’aimable sœur, le chagrin du frère, que j’aime bien davantage depuis que je le connais plus et que je le vois si affligé, me pénètrent profondément. Je voudrais l’adoucir, je ne puis que le partager et je souffre de mon inutilité. Ce pauvre ami compte pour beaucoup quelques courses qui n’ont abouti à rien ; il s’est inquiété de la fatigue que j’en pouvais prendre : il m’a envoyé des vins restaurants. Il s’en faut peu que, dans l’affliction, on ne s’étonne de trouver des êtres qui y prennent sincèrement part ; il y a tant de gens superficiels ou durs. Mais, en vérité, nos bons amis ne sauraient imaginer jamais combien leur situation influe sur la mienne, combien ils me sont plus chers par leurs malheurs ; toi qui sais et qui sens tout cela, que ne peux-tu être avec moi à les embrasser, je ne dis pas les consoler, mais sentir et souffrir avec eux !

Je ne prendrai pas sur moi d’acheter Lavater à M. d’E[u]. Cet ouvrage est original et curieux, mais il laisse à désirer, et cela seul pourrait faire regretter les six louis que je ne veux pas avoir sur ma conscience. D’ailleurs, on annonce un troisième volume. Les gravures consistent en un grand nombre de portraits, en beaucoup de silhouettes dont l’auteur dépeint, explique les traits et les caractères, jugeant des qualités morales, de l’esprit, etc., par les traits divers de la physionomie. Il y a aussi des figures prises de quelques tableaux de grands maîtres ; puis des crânes, des têtes de divers animaux, avec des observations sur les proportions, les distances, etc., des lignes et des espaces qui les dessinent ou qu’ils renferment. Mais on chercherait

  1. Peut-être est-il utile de faire remarquer ici que « M. de Flesselles », c’est l’Intendant de Lyon, et que « notre Flesselles », c’est le manufacturier d’Amiens.
  2. Madame Roland parle en plusieurs endroits ici de cet « intrigant », mais sans le nommer. Il semble que ce soit cet « homme de beaucoup d’esprit » dont elle parle déjà dans sa lettre du 5 avril 1784. — Voir aussi la lettre du 1er mai.