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m’impatiente. L’affaire de notre ami a passé hier au petit comité, mais il ignora ce qu’ont prononcé nos seigneurs ; le petit Bl[ondel] s’est récrié sur l’étendue des demandes ; voilà tout ce que Fless[elles] a tiré de ce monseigneur en allant le voir ce matin.

Le contrôleur général ne revient point de Versailles mardi prochain ; ainsi le prononcé définitif sera encore pour la semaine d’après, et notre ami est pour ainsi dire écroué. Il va demain à Versailles pour son affaire et la nôtre ; il doit y coucher. M. Collart avait à peine parcouru nos mémoires ; ils raisonneront dans ce voyage.

Temps et patience ; il faut furieusement perdre de l’un et gagner de l’autre pour faire quelque chose en ce pays !

M. d’Antic était mal ce matin ; il semble ne s’être pas fort bien traité lui-même ; il a voulu aller tant que, tant que… et il n’a fait appeler un médecin qu’en demandant un confesseur. Il montre une résignation édifiante et paraît compter sur l’événement. Ainsi cette maison qui me promettait le plus à Paris va s’évanouir comme un songe ; bientôt la demoiselle à quelques différences près, sera comme Mlle  Bexon[1]. En vérité, quand je vois toutes ces choses, je n’ai plus la moindre velléité pour la fortune ; il me semble que nous sommes aussi heureux qu’on peut l’être dans ce monde, avec le petit coin de terre où nous pourrons poser la tête en disant adieu à toutes les vanités. Porte-toi bien, mon ami ; que le ciel nous conserve notre Eudora, et je ne désire plus rien sur la terre. Je t’embrasse avec elle affettuosissimamente. Je baise cent fois tes lettres et peu s’en faut que je ne croie que notre absence aura bien fait à la petite, que je trouverai toute sage.

Je n’ai pas vu M. d’Huez. S’il m’attend, il n’a qu’à prendre patience. J’ai écrit au Longponien et à Platon.

Dimanche matin, M. d’Antic était un peu mieux hier au soir. Je t’embrasse.

  1. L’abbé Bexon était mort le 13 février 1784, laissant sa mère et sa sœur dans la gêne.