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J’ai eu tout ce soir M. Parault[1], doux, honnête, intéressant, qui doit revenir me voir. Le frère est un peu empêché par deux compatriote arrivés depuis peu ; un d’eux est M. Bon[2], qui est venu me voir. La bonne va et commence à reconnaître le coin de la rue ; je l’ai promenée ce matin et je me suis perdue avec elle en revenant du Marais ; elle a presque toujours Eudora devant les yeux qui lui rougissent a chaque fois. Je ne t’en dirai pas plus long ; je me lève demain de grand matin, et je te fais cette dépêche tout causant avec le frère qui te dit million de choses.

Je t’embrasse, mon bon ami, de toute mon âme. Si l’Académie béotienne[3] s’avisait, je crois pourtant qu’il ne faudrait pas envoyer ta lettre. Accepte toujours, tu seras là pour montrer comme tu la juges ; cela suffit et ne prêtera pas au blâme comme un refus. Il faut finir ; adieu.

Eh bien[4], mon cher ami, comment soutenez-vous cette séparation ? Ne vous pèse-t-elle pas encore plus que vous n’imaginiez ? La chère sœur se presse de pousser ses affaires et d’en finir le plus tôt qu’elle verra un parti à prendre

  1. Nom d’un ami de Bosc et des Roland, et surtout de Lanthenas, qui revient souvent dans la correspondance. Nous croyons que c’est lui qui figure dans la Biographie moderne (Leipsig, 1806) : « Parraud (J.-P.), de la société des Arcades de Rome, a publié un grand nombre de traductions d’ouvrages anglais, etc… » — Roland faisait aussi partie de la société des Arcades ; d’autre part, Madame Roland écrira à Bosc, le 9 février 1785 : « Nous avons reçu les deux traductions de l’excellent M. Parrault… » Enfin, dans le compte rendu des dépenses faites par Roland durant son second ministère, sur les 1 000,000 livres mises à sa disposition par la loi du 18 août 1792. nous lison : « 31, Au citoyen Parraud, pour traduction en différents langues d’écrits et de pamphlets propres à éclairer nos voisins et leurs armées (quittance du 20 novembre,… 600 livres ». (Mémoires, éd. Barrière, Éclaircissements, t. II, p. 434.)

    Parraud, en 1784, vivait en traduisant des livres anglais et en ayant des élèves pensionnaires. (Voir lettre de Madame Roland du 3 mai 1784, P.-S. de Lanthenas) — La correspondance inédite de Lanthenas (Papiers Roland, ms. 9534, passim) nous apprend que Parraud était swedenborgien, et une des deux traductions envoyées par lui à Madame Roland en 1785 était précisément une traduction de Swedeborg (voir Barbier, t. I, col. 650).

  2. M. Bon. inconnu.
  3. L’Académie d’Amiens.
  4. Écriture de Lanthenas.