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obre, par suite de cette passion malheureuse que Sélis, maintenant placé, aurait pu couronner aujourd’hui si elle eût vécu.


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[À ROLAND, À PARIS[1].]
[31 août] 1783, [d’Amiens].

Je dors toujours grandement ; je sors de mon lit quoiqu’il soit neuf heures et que je fusse couchée hier à dix, et, les pieds dans l’eau pour soulager ma tête, je commence ma journée par t’écrire. J’ai fait peu de chose hier, j’en ferai peu aujourd’hui ; je vais dîner chez Mme  d’Eu qui est venue m’inviter tandis que j’étais chez Mme  Cannet, où j’ai beaucoup causé avec l’amie. Son beau-frère Guerd[Guérard][2] est arrivé dernièrement de Paris où il t’a vu ; il lui a raconté que M. de Vaugland[3], ce criminaliste, conseiller au Grand-Conseil, dont je t’ai parlé quelquefois pour l’avoir connu chez les cousines, est veuf depuis dix-huit mois et grille de se remarier ; les médecins le lui ont même conseillé (nota ; il a soixante-dix ans) ; il a demandé Mlle  d’Hangard de Paris qui n’en veut

    obre 1774), relativement à un mémoire du sieur Morgan, avocat à Amiens, qui demande les grâces du Roi… » L’Intendant rappelle que Morgan avait été député par la ville d’Amiens à Paris, à l’effet d’y chercher des professeurs pour Amiens lorsqu’il fut défendu aux jésuites d’enseigner, et il ajoute : « Le temps n’a point encore apaisé l’animosité contre lui, surtout parle le grand nombre de particans qu’avaient les jésuites dans la ville d’Amiens. Le sieur Morgan était, avant sa députation, l’avocat le plus occupé de la ville et le plus assidu au travail. Les disgrâces qu’il a souffertes ont dérangé absolument sa fortune, qui consistait principalement dans le produit de sa profession qu’il exerçait avec éclat. Il a donné une très bonne éducation à sa nombreuse famille, mais ses malheurs l’ont empêché de marier aucune de ses filles… Le sieur Morgan est d’une famille très honnête, dont il est le seul qui ne soit pas noble, quoique de la branche aînée… ses puînés ont pris le parti du commerce ; ils y ont réussi et ils sont encore au nombre des meilleurs commerçant d’Amiens… »

  1. Ms. 6238, fol. 259-260.

    On voit, par la lettre suivante, que cette lettre, datée « du 1er septembre » dans l’original, n’est en réalité que du 31 août.

  2. Sur Guérard, voir Appendice A.
  3. Sur Muyard de Vouglans, qui épousa en effet Henriette Cannet en 1784, à soixante-dix-sept ans, voir Appendice A.