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car pour moi je n’ai plus rien et ne sais plus quoi. Tu sauras que pour ma musique il n’est question que de toutes les parties d’un même Œuvre : clavecin, 1er violon, 2e violon et basse de l’œuvre IV. Je te dirais bien à cette occasion une méchanceté, mais je ne veux pas l’écrire. Adieu ; ma chère Eudora (dont je ne trouverais pas si aisément que toi des dizaines) se porte à merveille et t’a bien appelé ce matin. Je t’embrasse à tort à travers et je t’aime comme je ne puis dire.


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[À ROLAND, À PARIS[1].]
25 août 1783, — [d’Amiens].

Il est huit heures du soir du 25 août 83 ; assise devant ma table avec beaucoup de gravité quoique sous les débris d’une coiffure légère qui annonce qu’on n’a pas oublié la toilette dans la journée, je recueille mes esprits, pour me rappeler ce que j’ai entendu aujourd’hui et pour en faire part à ceux que j’aime. Je n’ai pu joindre ma compagne[2] qu’à plus de trois heures et demie, par des raisons qu’il serait trop long de déduire ; nous sommes parties triomphantes, mais modestes et sans hommes, pour nous rendre à l’Académie[3]’ ; l’assem-

  1. Ms. 6238, fol. 250-252. — La date se trouve dans le corps de la lettre.
  2. Henriette Cannet.
  3. La « Société des gens de lettres d’Amiens » avait obtenu, en juin 1750, des lettres patentes du Roi l’érigeant en « Académmie des sciences, des belles-lettres et des arts » (Inventaire de la Somme, B, 43, et Almanach de Picardie, 1783, p. 69). Elle recevait une subvention annuelle de la ville sur le produit de l’octroi de Picardie (Invent., t. II, Introd., p. xii). Elle était, depuis 1751, propriétaire du terrain appelé « Jardin du Roi », y entretenait un jardin botanique (Archives d’Amiens, AA, 22, fol. 57) et y faisait faire des cours publics de botanique, de chimie expérimentale, puis, en 1783, de meunerie et de boulangerie (Alm. de Picardie, 1783, p. 71 et suiv.).

    Roland, qui vivait en mauvais termes avec la classe de gros marchands, bourgeois enrichis et demi-nobles où se recrutaient et la municipalité et l’Académie, ne fit jamais partie de cette compagnie, alors qu’il appartenait à une foule d’autre (voir Appendice H). Aussi les sarcasmes abondent-ils dans la Correspondance contre « L’Académie béotique ». Dès le 21 juin 1777,