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de D. de la Cx [Croix] qui lui rendent le mieux justice sont probablement médiocrement touchés de son sort. On perd la faculté de s’identifier avec ses semblables en vivant trop avec eux dans le choc continuel des petites passions.

Je ne sais comment il a pu m’échapper de te prier de témoigner particulièrement à M. Hoffmann le vif intérêt et l’estime singulière qu’il m’inspire ; mais tu en sais tout ce qu’il faut pour suppléer à mon silence. Je désire bien qu’il trouve en lui-même toutes les ressources que je lui suppose, et je suis en peine d’apprendre ce que tu en as vu. Mais, à ton retour, ce sera l’une des choses avec mille autres dont nous aurons à causer.

Tu as donc trouvé M. Godinot[1] ? Il faut ton activité pour déterrer les gens dans le tourbillon de Paris ; il aura vu peut-être aussi Mlle de la Blz [Belouze], près de laquelle je ne suis pas en peine du témoignage que tu as pu rendre. Tu traites Panck [Panckoucke] haut la main et comme il doit être conduit par un homme d’honneur qui ne lui ressemble pas ; tout le monde crie à la friponnerie ; il s’en moquera et ne fera pas moins sa fortune aux dépens de tous ceux qui crient. L’affaire des de Lahaye[2] va se plaider à l’édification du public ; le maire se tourne gauchement sans se tirer ; il a demandé caution ; M. Flesselles s’est porté pour tel, tout simplement : cela fera bruit. Il y a dans ce pays des filles qui en feraient par leurs folies amoureuses, si elles étaient d’un autre étage ; mais pour moi qui ne regarde pas au cadre, je les plains grandement.

Mlle de Chg [Chuignes], toujours brillante et parée, se nourrit toujours, ainsi que sa mère, de superbes projets ; la paix lui ramène un lieutenant qu’on dit être sur les rangs avec bien d’autres : c’est l’embarras du choix, mais cet embarras pourrait la conduire à zéro, ou à un lot plus mince, car tous les prétendants ont les oreilles remplies

  1. Voir sur Godinot, inspecteur des manufactures à Rouen de 1751 à 1779, parent de Roland (il avait épousé une de ses cousines du Beaujolais) et son premier protecteur, l’Appendice C. Il était alors à la retraite.
  2. Nous ne savons de quelle affaire il s’agit.