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assurément plus de soins de ta personne que tu n’en prends. J’ai grande hâte que tu sois de retour, et je t’avoue que la considération qui te retient[1] ne me satisfait pas : je ne sache rien à mettre en balance avec ta santé ; je n’aurai pas de repos que je ne puisse y donner l’œil et les soins de l’amitié.

La petite nous occupe beaucoup ; elle avait été hier bien portante, éveillée et gaie, la plus grande partie du jour ; dix heures du soir n’étaient pas sonnées que les grimaces, les cris ont commencé ; la bonne est demeurée levée jusqu’à quatre heures du matin, employée à me la donner au sein, à la mettre au berceau, l’ôter, la remettre et la promener successivement. Je n’ai pas remarqué de vers dans ses excréments ; le médecin m’a prévenu qu’ils n’y seraient pas apparents si la drogue les tuait dans l’estomac, parce qu’alors, détruits en grande partie, ils n’offrent plus que des filaments glaireux qu’on ne peut guère distinguer des autres humeurs.

La journée présente est très bonne ; elle prend beaucoup à la fois et repose bien et longtemps dans les intervalles.

J’ai vu les deux voisins[2], au retour de leur promenade ; le botaniste ou plutôt l’amateur m’a apporté des Leucoium vernum, des Crocus, etc. Ils étaient sans nouvelles, j’étais un peu assoupie, nous avions tous l’air de vrais provinciaux qui ne savent que dire. L’ami Devs [Devins] doit m’envoyer pour toi une missive ; M. de B[ray] doit en faire autant ; nouvellement arrivé de Péronne, il est venu tout au soir causer Maugend[re], etc… ; c’est une pitié que tout ce que disent et font le Pourceaugnac et sa moitié.

J’ai ouï dire que le cacao, très bon pour en user passagèrement, laissait à la longue des humeurs dans l’estomac et qu’il fallait s’en défier. Je ne sais si c’est fondé ; mais vois et consulte.

  1. Roland écrivait dans sa lettre du 26 qu’il avait « vu bien des gens », sans en être « avancé d’un pas », et il ajoutait : « La personne qui semblait au moins devoir mettre sur la voie, le l’indiquer, a tant affaire jusqu’à la Chandeleur, le 2 février, qu’elle m’a fait remettre à ce temps, après ce temps, pour lui parler, elle ne sait encore de quoi. Tout combiné, j’attendrais ce moment… »
  2. M. d’Eu et M. de Vin.