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assez de courage pour ne pas hésiter dans l’alternative ; mais je suis mére aussi, et ces épreuves, légères en apparence, ne me sont pas peu pénibles.

Je n’ai même pas en vue de cuisinière pour le présent, ce qui me fâche assez ; on ne manque point de sujets tels à peu près que ceux dont je me suis défaite ; j’en voudrais de plus sûrs.

J’ai répondu aux derniers compliments de Me Jn [Marie-Jeanne] (en ménageant son amour-propre) que j’appréciais ses services et que je les préférais à ceux de toute autre, mais que les commissions et le surplus d’ouvrage à faire, dans ma maison, qu’elle n’avait pas actuellement, demandaient quelqu’un plus en état d’en supporter la fatigue. J’ai même profité d’un rhume qu’elle a pris pour la presser de me trouver une bonne fille, afin que je la laissasse se reposer ; j’ai peu de personnes, et même point, à qui en demander. Otez trois ou quatre hommes et Mme d’E[u], je ne vois âme qui vive à parler de telle acquisition dont je ne dis trop rien aux autres peu faites pour me la faciliter. J’aurais voulu ce nouveau meuble tout habitué pour ton retour ; cela devient douteux. Tempo et pazienza : je prendrai de l’un et de l’autre puisqu’il le faut, et nous verrons, pour cette misère comme pour autre chose.

Je me suis soulagée par la confession de tous mes petite maux ; je n’en sentirai plus aucun quand je te reverrai, puisque je les oublie en ne faisant que te les écrire.

Parlons donc du Musée, qui me paraît, à bien des égards, l’abrégé de Paris, soit dans la diversité de ceux qui le composent, soit dans l’esprit qui y règne, soit dans la vie qu’on y fait et la bigarrure qui résulte de tout cela ; tu m’en fais un tableau singulier et piquant, qui m’amuse autant que les modèles t’ont diverti. Il me semble, au bout du compte, que tous ces établissements sont inventés et courus par des gens qui se battent les flancs pour varier leurs plaisirs et se sauver de l’ennui. Mais tu vas dire encore que je fais de « la raison ou de l’esprit à perte d’haleine » : ne semblerait-il pas aussi, à t’entendre, que je prodigue le bien d’autrui ? En vérité, mon cher maître, vous êtes un