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te dire aussi tout ce que je vois, et tout ce qui me vient. Qu’auras-tu pensé de ce que j’ai fait pour ma garde ? Tu me le diras, j’espère, et ton jugement me guidera pour une autre fois.

Je me suis donné beaucoup de mouvement, ces deux jours derniers, pour des soins de propreté que le malaise de Marianne dérange beaucoup, à mon grand déplaisir ; j’étais hier en vraie ménagère, lorsque M. d’Eu est venu me communiquer ta lettre et m’en remettre une sans adresse, qu’il jugeait être pour moi ; je lui dis que j’en avais reçu de toi et que celle en question regardait, sans doute, M. de Vins ; il insista pour que je l’ouvrisse, comme chose de convenance ; il ne fallut que la première ligne pour confirmer mon jugement. La véritable raison de son empressement à m’apporter le tout m’a semblé être la curiosité de savoir l’histoire de la perruque, dont il n’avait pas connaissance ; cette bagatelle, qui n’est vraiment lien que cela, n’a pas paru lui faire aucune impression, parce qu’il est habitué, je crois, à tolérer le ridicule cher Mme Gigogne[1], ou qu’il se fait une loi de ne pas trop blâmer ce qui se passe dans ce tripot. À propos de cela, on dit cette charmante fort mal avec l’intendant, presque aussi mal qu’avec son mari ; ce n’est pas pour rire, comme tu vois ; Monseigneur l’a désobligée chez elle, devant quinze ou vingt Béotiens, par un silence méprisant, pour toute réponse aux plaintes qu’elle lui portait contre un de ses domestiques. On particularise encore d’autres bêtises, on pense qu’elle pourrait bien être renvoyée toute seule dans sa Bretagne ; cette affaire excite un coassement universel parmi toutes nos grenouilles.

Autre chose, qui fait autant de bruit par l’idée de celui que produira l’événement ; c’est une comédie intitulée : La Femme nouvelliste, dont l’auteur, certain M. Deville[2], jeune homme de notre marais, fai-

  1. Mme Maugendre.
  2. M. Deville. — Probablement Jean-Baptiste-Louis Deville, né à Amiens le 20 août 1752, président-trésorier de France à Amiens (1785-1790), mort en 1834. Il fit jouer à Paris, en 1782, au théâtre de Nicolet, Pierre Bagnolet et Claude Bagnolet son fils, comédie en un acte et en prose (Biographie Rabbe). Il était fils de M. Deville, procureur du Roi honoraire à la maîtrise particulière des Eaux